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Jean-Charles Fitoussi

Du mardi 11 octobre 2016
au dimanche 16 octobre 2016


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Architecte du temps et de la musique du hasard

Jean-Charles Fitoussi est un cinéaste rare. Et à regarder ses films et l’écouter parler de cinéma on découvre que c’est le cinéma qui se fait rare. Une belle occasion de le redécouvrir ; le cinéma. Un pur moment de cinéma, ou plutôt un moment de pur cinéma. Comme un retour aux origines. À ce qui fait l’originalité du cinéma. Son essence. Et pourquoi pas son innocence perdue.
Né en 1970, sorti de Polytechnique comme un certain Paul Vecchiali, Jean-Charles Fitoussi est entré en cinéma en 1994 avec Aura été, son premier film tourné en 16 mm. Puis il passera par l’école de la vie de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, dont il sera assistant, période dont il ramènera un très beau film sur les méthodes de travail du fameux couple : Sicilia ! Si gira. Comme un totem, ou une note d’intention, de ce que sera son œuvre. Un rapport au monde et au cinéma.
La première particularité de l’œuvre de Fitoussi en est sa constitution, sa construction. Envisagée comme une vaste demeure avec ses étages, ses dépendances, dont chaque film est une pièce. Pièces à vivre, pièces à visiter. Des pièces qui communiquent entre elles. Des pièces terminées, des pièces en cours de travaux. Un véritable chantier, un work in progress, qui a pour nom : le château de hasard. Et dont il est l’architecte.
Au rez-de-jardin : Aura été, D’ici là, Sicilia ! Si gira, Les Jours où je n’existe pas, Le Dieu Saturne, Nocturnes pour le roi de Rome, Je ne suis pas morte, L’Enclos du temps.
Au premier étage : Cavatine, pièce que l’auteur vient d’agrandir, faisant de ce qui était un court un long en cours de montage que l’on pourra découvrir pour la première fois au cours de cette rétrospective, et De la musique ou La Jota de Rosset.
Et des dépendances : Temps japonais, Espoirs pour les générations futures, Interludes ou Les Animaux panchroniques.
L’autre particularité du château de Fitoussi est son rapport au temps et aux formats. Ainsi, chaque pièce-film possède sa durée propre. Elles peuvent aller de quatre minutes à trois heures. C’est le film qui impose sa durée. C’est lui aussi qui impose son format d’enregistrement (16 mm, 35 mm, vidéo, téléphone portable) comme une texture, de la brique, du granit… Du temps encore, celui du tournage qui peut s’étaler sur de longues périodes, des temps différents (Cavatine était encore un court métrage jusqu’à il y a peu), laissant sa place à une construction de hasard. Le hasard étant le matériau principal du travail de Fitoussi, ouvert aux acteurs, aux décors, à ce qui l’entoure, plutôt qu’assujetti à un scénario. « J’étais frappé, a-t-il pu dire, par le fait qu’on demande toujours le synopsis du film. On veut savoir ce que ça raconte. Quand on sort d’un concert, personne ne demande ce que ça raconte ! J’avais envie qu’on ne se pose pas d’abord cette question. Il y a tout un pan du cinéma qu’on appelle expérimental, pour qui les synopsis et la narration n’existent pas. Dans le cinéma dit commercial, on peut aussi penser que la chose qui importe le plus est le plaisir cinématographique d’enchaînement de plans. Pur plaisir de voir, d’entendre… » Ainsi, il peut tourner sans scénario prédéfini. Et on peut l’imaginer travailler avec ses plans comme un musicien avec les notes, trouvant le juste refrain en cherchant la note qui suivra parfaitement la précédente. En ce sens, on pourrait même parler de compositeur, plus que de cinéaste. Composition du cadre. Composition du rythme, musical. Fitoussi compose ses films. Il les compose comme il ferait de la musique avec des formes, des lignes, des couleurs, des mouvements. La question est de les enchaîner. Et c’est là que l’on retrouve le cinéma. Son essence véritable par rapport aux autres arts, ce qui en fait la singularité : le raccord. « Le raccord, dira-t-il encore, est pour moi un des plaisirs les plus forts, une jouissance que le cinéma est seul à pouvoir apporter. Le plaisir de se faire raconter une histoire n’est pas nouveau, ce n’est pas le cinéma qui l’apporte. Le plaisir de voir des gestes non plus, la danse et le théâtre s’en chargent aussi à leur manière. Mais le plaisir de l’instantanéité du raccord n’avait jamais existé avant. » Et cette jouissance, que l’on peut l’imaginer vivre en composant ses films, nous la partageons en les regardant. De la jouissance. D’un plaisir primitif du cinéma trouvé.
Et c’est à un voyage comme un conte que nous vous invitons. À une découverte du cinéma et une redécouverte du château de Jean-Charles Fitoussi, dont nous avons numérisé certains films à partir des négatifs qu’il a déposés dans les collections de la Cinémathèque. Un voyage comme une visite, avec l’auteur à nos côtés qui nous guidera tout au long de cette programmation de pièce en pièce.

Franck Lubet, responsable de la programmation

Bibliographie