Ginette Leclerc
Aux côtés de Mireille Balin et Viviane Romance, elle a incarné la femme fatale du cinéma français des années 1930 et 1940. « Pourquoi avais-je l’air d’une vamp ? Pourquoi étais-je une vamp dans les films ? Je trompais les hommes, le mari, l’amant, étais-je une vamp pour cela ? Je ne sais pas ! », dira-t-elle plus tard. Ginette Leclerc n’avait pas froid aux yeux. Elle avait un corps. Elle savait l’utiliser. Elle avait aussi du caractère. Et savait l’imposer. Comme Marlène Dietrich, elle portait le pantalon quand le vêtement était proscrit aux femmes. Scandaleuse. Sa frange fit des ravages. On la surnomma la Louise Brooks française. Affrontant les conventions sociales de l’époque, surtout concernant la place des femmes, elle affirma des personnages bousculant justement les dites bonnes mœurs. Personnages de garce. Ou plutôt personnages épris d’indépendance, affûtant les armes de la femme libérée. La Femme du boulanger, dont nous passerons en avant-première la version restaurée présentée à Cannes Classics, la propulse au sommet. On est en 1938. Des heures sombres vont s’abattre sur l’Europe et le monde. Et la môme travelling, comme l’appelait Autant-Lara, n’y échappera pas. La France est occupée mais elle continue à tourner. Ce sera pourquoi pas Le Chant de l’exilé aux côtés de Tino Rossi. Elle finit cependant par céder aux sirènes de la Continental, la société de production française dirigée par les Allemands, et signe avec le diable pour deux de ses plus beaux rôles. Dans Le Val d’enfer de Maurice Tourneur (que nous avions passé lors de la rétrospective consacrée à ce grand cinéaste en 2015) et dans Le Corbeau de Clouzot (en cours de restauration à l’heure actuelle et que nous programmerons certainement en fin d’année pour une rétro de cet autre grand cinéaste). Sous l’Occupation, Ginette Leclerc ouvre surtout un cabaret. S’y croisent le Tout-Paris, mais aussi la Gestapo. Épinglée collabo, cela lui vaudra un an derrière les barreaux à la Libération. La suite sera plus difficile. La sensualité chevillée au corps, elle jouera encore une « respectueuse », comme elle sait le dire si délicatement, dans Le Plaisir d’Ophüls. Et dix ans plus tard, en 1961, toujours les affaires du sexe à la boutonnière, on la trouvera en mère maquerelle dans Le Cave se rebiffe. Toujours les griffes dehors, elle continuera à tourner jusqu’aux années 1980. Des rôles secondaires, des apparitions, osant les scènes de nu à près de 60 ans (Goto, l’île d’amour de Borowczyk) ou s’amusant à la télévision, chez le Commissaire Maigret ou avec son complice Raymond Souplex dans Les Cinq Dernières minutes (série policière française toute aussi populaire). Ginette Leclerc. Un sacré personnage. Une sacrée personnalité. Rendez-vous en quatre films.
Franck Lubet, responsable de la programmation