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Octobre 17

Du samedi 14 octobre 2017
au vendredi 27 octobre 2017


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Octobre 1917. Dans la nuit du 6 au 7 novembre (du 24 au 25 octobre selon le calendrier julien). Des jours qui allaient ébranler le monde. Les jours où les Bolcheviques ont pris le contrôle de la Révolution russe. C’était il y a un siècle. Un des épisodes les plus importants du XXe siècle et qui en a profondément marqué le cours. On en commémorera le centenaire. L’occasion de revenir sur une particularité soviétique à laquelle le cinéma − de tous les arts, le plus important pour nous, disait Lénine en 1922 − a largement contribué : l’art de la commémoration et de l’accommoder. De l’art d’écrire et réécrire l’histoire. Une histoire à laquelle celle du cinéma soviétique est intimement liée.
Quelques repères au préalable, pour ce qui nous concerne directement ici. 1914 : Première Guerre mondiale. Février 1917 : la première révolution russe qui pousse le Tsar à abdiquer. Révolution bourgeoise qui voit la mise en place d’un gouvernement provisoire, bientôt dirigé par Kerenski, qui poursuit la guerre. Septembre : tentative de putsch du général Kornilov. Octobre : la révolution bolchevique. 1919 : nationalisation du cinéma. 1924 : mort de Lénine. Staline prend le pouvoir au détriment de Trotski, qui est exclu du Parti en 1927 − année du dixième anniversaire de la Révolution − avant d’être expulsé d’URSS en 1929. 1936 : début des procès de Moscou à travers lesquels seront éliminés les derniers membres historiques du Parti et de la Révolution d’Octobre. 1937 : vingtième anniversaire de la Révolution. 1953 : mort de Staline. 1956 : déstalinisation.
Retour, donc, sur la Révolution d’Octobre, vue de l’intérieur si l’on peut dire, à travers cinq films commémoratifs produits par l’Union soviétique. Quatre pour le 10e anniversaire en 1927 : Octobre d’Eisenstein, La Fin de Saint-Pétersbourg de Poudovkine, La Chute de la dynastie des Romanov d’Esther Choub et Moscou en octobre de Boris Barnet (dont 3 bobines sont perdues et que nous vous présentons à titre de document). Et un pour le 20e anniversaire en 1937 : Lénine en octobre de Mikhaïl Romm.
Cinq films qui posent autant la question de la vérité historique qu’ils sont le reflet de la période politique à laquelle ils ont été tournés, voire remontés. Le rôle prépondérant de Trotski dans les événements d’octobre sera par exemple minimisé (Staline demandant que soient coupées les scènes où il apparaît dans Octobre, selon Alexandrov, co-scénariste du film), quand il n’est pas totalement évincé au profit de Staline dans Lénine en octobre (scènes coupées en 1956 au moment de la déstalinisation)…
Cinq films qui opposent surtout des points de vue idéologiques sur le cinéma. Le dernier appartient au réalisme socialiste et, culte de la personnalité oblige, la Révolution toute entière est personnifiée par un Lénine incarné, alors que les quatre premiers appartiennent à l’avant-garde des années 1920, poursuivant les recherches d’un langage cinématographique révolutionnaire tout en s’attachant davantage aux événements et aux masses qu’aux leaders. Ainsi, nous apprécierons en tout premier lieu le film de la pionnière Esther Choub : film de montage d’images d’archives, actualités et documents privés (notamment les films de famille du Tsar), qui est une lecture d’images précédant et annonçant la Révolution − un travail préfigurant celui de Chris Marker. Et puis nous verrons qu’à la fresque monumentale d’Eisenstein, véritable film de masses malgré la première apparition d’un Lénine joué et décrié en son temps pour son aspect expérimental, Poudovkine répond par une approche plus intimiste, livrant un incontestable chef-d’œuvre qui rend peut-être encore mieux compte de la grande histoire à travers la petite. C’est là tout le pouvoir du cinéma, tout son potentiel : écrire l’histoire, être réécrit par l’histoire, tout en en donnant une lecture et en permettre une relecture. Tout le pouvoir aux soviets, criaient les slogans de 1917. Tout le pouvoir au cinéma.

Franck Lubet, responsable de la programmation