Karim Dridi
Depuis Pigalle, qui a laissé son empreinte dans le cinéma français comme un crochet décoché au foie, jusqu’à Chouf, uppercut qui décrochait la mâchoire d’un cinéma prétendument de banlieue, Karim Dridi a fait du chemin. La rage au ventre et le feu dans les yeux. Il a fait son chemin, creusé son sillon, inventé son style. Direct, frontal, sans esquive. Un cinéma de boxeur qui n’a pas peur de prendre des coups. Dridi, c’est le Balboa du cinéma français. Ça ne marche pas à tous les coups – Vol de nuit s’était crashé sans un cri. Mais quand ça marche, on court derrière comme tout le quartier derrière Rocky quand il s’entraîne. Le quartier, c’est justement son moteur. La vie de quartier. C’est à dire ceux qui l’habitent. Ceux qui en font une communauté. Le cinéma de Dridi est un carrefour des cultures, un cinéma de circulation qui créé une zone de mixité et non cette zone mixte journaliste qui réduit l’espace de parole et donc d’échanges, quand on ne parle pas de zone de non droit. Dridi, lui, va au contact, au corps à corps. La réalité, il ne va pas la voler en caméra cachée, il va la chercher avec ceux qui l’éprouvent. L’authenticité, il ne la fabrique pas seul dans son coin, il la construit avec ceux qui l’ont en germe. C’est tout son travail avec des comédiens non-professionnels qu’il rencontre sur ce qui seront les lieux de l’action. C’est ce contact que l’on aime chez Dridi. Une mixité qui est aussi cinématographique, entre film de genre et cinéma d’auteur. Un cinéma qui trouve sa place, autant dans les multiplexes que dans les salles d’art et essai. Un vrai cinéma populaire qui s’adresse à tous en s’intéressant aux individus. Populaire, un autre mot pour dire humain. Car entre galères, dérapages, violence, descente aux enfers, les personnages de Dridi sont souvent pris dans un piège social sombre. Mais des néons de Pigalle au soleil méditerranéen de Marseille, Dridi cherche la lumière. Pas celle d’une révélation qui éclairerait les hommes. Celle qui émane des hommes. Vacillante, elle est d’autant plus touchante.
Franck Lubet, responsable de la programmation