Les Trois Lumières (Der müde Tod) | Soirée de clôture
Fritz Lang. 1921. Allemagne. 98 min. Noir & blanc / teinté. Numérique DCP. Muet.Intertitres allemands. Sous-titrage informatique en français.
Ce songe pessimiste qui se joue du temps, de la réalité et de l’espace, Fritz Lang le mène à bien suite à un échec. Il ne réalisera pas Le Cabinet du Docteur Caligari finalement alloué à Robert Wiene. Pourtant, le metteur en scène se surpasse. Irrigué par une stupéfiante liberté de ton, Les Trois Lumières enchante. Par son esthétisme. Par son hétérogénéité. Par son audace. Une œuvre conçue comme un film somme en prise avec son temps et élaboré comme une chanson populaire qui finira par traverser les âges. Un couple d’amoureux rencontre la Mort. Le fiancé disparaît et la jeune fille supplie pour son retour. Marché conclu à condition de sauver au moins une vie sur les trois mises en jeu à trois époques différentes dans trois lieux distincts. À la fois serial d’aventure, mélodrame romantique et fable fantastique, Les Trois Lumières est un festin de roi aux saveurs exotiques inopinées. Venise et son carnaval, le Bagdad des Mille et Une Nuits, la Chine et sa magie, en contrepoint le clair-obscur cher au théâtre de Max Ernst et bien sûr les formes expressionnistes. Le réel et l’irréel s’emmêlent. Ici, les fantômes traversent les murs, les morts marchent et les tapis volent. Surimpressions, transparences et disparitions, Lang expérimente et impressionne. Quant au support film, il ne put clairement, comme les personnages de Lang, échapper à son destin. Le temps est une implacable machine à délaver. À l’initiative de la Friedrich-Wilhelm-Murnau-Stiftung, pas moins de six archives collaborent à la première restauration numérique des Trois Lumières (dont la première présentation a eu lieu lors de la Berlinale 2016). Le MoMA de New York fournit un internégatif en 35 mm. Des plans sont extraits de la copie nitrate de la Cinémathèque de Toulouse. Les intertitres sont reconstruits par le Munich Film Museum en utilisant une copie provenant du Gosfilmofond de Moscou. Avec l’aide du matériel détenu par la Národní Filmový Archiv de Prague et la Cinémathèque Royale de Belgique, les cartons manquants sont enfin recomposés. Définitivement perdues, les teintes sont réinterprétées en analysant les productions de la même période de la Decla, la compagnie qui finança le film. « Intemporel comme dans un rêve », le chef-d’œuvre de Lang brille à nouveau.
Séance présentée par Anke Wilkening, restauratrice à la Friedrich-Wilhelm-Murnau-Stiftung
Séance accompagnée au piano par Hakim Bentchouala-Golobitch