Pickfair, pour la contraction de Pickford et Fairbanks. Mary Pickford (1892-1979) et Douglas Fairbanks Sr (1883-1939), couple mythique du cinéma muet hollywoodien. Pickfair, c’est le nom qui fut donné à leur maison sur les hauteurs de Beverly Hills. Leur nid d’amour et un véritable palais où une invitation à y séjourner équivalait à un adoubement. Proclamés couple royal, ils ont élevé le statut de star à un niveau aristocratique. Ils ont surtout marqué le cinéma hollywoodien de leur empreinte et pas seulement parce qu’ils sont les premiers à avoir laissé les leurs sur le fameux trottoir du Grauman’s Chinese Theatre. Pickfair, c’est l’union de la petite fiancée de l’Amérique et de l’athlétique héros au sourire éclatant.
Repérée par Griffith à la fin des années 1900, Mary Pickford s’impose dans le courant des années 1910 jusqu’à devenir une des actrices les mieux payées de Hollywood. Adulée pour ses rôles de petites filles, jusqu’à en devenir prisonnière, elle sera l’« America’s Sweatheart », « The Girl with the Golden Hair »… La chouchou du public, douée d’une photogénie purement cinématographique. Louis Delluc, à propos de Pollyanna, écrira qu’elle était « l’incarnation fragile et forte du bonheur, rappelant qu’il ne suffit pas d’avoir des cheveux blonds bouclés et éclairés par un projecteur pour représenter une jeune fille pure et sensible ». De sa présence à l’écran, de la proximité qu’elle y imprime, se dégage encore une intimité qui va au-delà de l’empathie.
Douglas Fairbanks, lui, arrive plus tardivement (dans le milieu des années 1910), commençant aussi avec Griffith. Mais ce dernier le trouve trop acrobatique. C’est ce qui fera pourtant son succès et sa marque de fabrique, jusqu’à en devenir prisonnier. Avec lui s’invente le héros viril mais charmant. « Acteur de gymnastique et de sentiment, apte à toutes les expressions de la vie moderne », écrivait encore Louis Delluc. Réalisant lui-même ses cascades, produisant des films aux décors hors normes, il aura posé, à travers ses films de cape et d’épée, les bases du film d’action, voire du blockbuster.
S’ils se marient en 1920, union célébrée par le public et la presse comme un mariage royal, c’est en 1919 qu’ils marquent l’histoire du cinéma, en fondant avec Chaplin et Griffith la United Artists (société de production et de diffusion), véritable fronde contre l’industrie, leur garantissant une indépendance artistique et financière au sein du système hollywoodien. Contrôle total sur leurs films et surtout réappropriation des recettes qui jusque-là allaient principalement dans les poches des Majors. Ils seront encore des trente-six fondateurs de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences en 1927. Fairbanks en sera le premier président, instaurant les fameux Oscars en 1929, récompense qu’il n’obtiendra jamais alors que Pickford en sera la deuxième actrice lauréate de l’histoire – la première du cinéma parlant en 1930 avec Coquette.
Icones du celluloïd et du papier glacé, en quinze ans de vie commune, ils n’auront véritablement joué ensemble que dans un seul film – un film parlant (La Mégère apprivoisée, 1929) qui trahissait le déclin de leur idylle.
Franck Lubet, responsable de la programmation