Belles de jour
Si par malheur tous les films venaient à disparaître, si les scénarios étaient détruits, si les sels d’argent de la photographie s’effaçaient au contact de l’air, s’il ne devait plus rien subsister de la presse cinématographique, et si l’on devait un jour écrire l’histoire du cinéma et de ses usages à partir des seules collections d’affiches sauvées du cataclysme, alors cette histoire en étonnerait plus d’un(e). L’exposition « Belles de jour » vous invite à cette expérience amusante de distorsion historique.
D’affiches en affiches donc, le cinéma qui d’après les anciens connut son heure de gloire au XXe siècle ne recula jamais devant aucun stéréotype. Les stars de l’écran, ces idoles de papier, y furent représentées tour à tour sous les traits de la prostituée avec ou sans cœur, de la « vamp » en robe longue, et si possible échancrée, ou de créatures exotiques présentant les caractéristiques mêlées des deux types précédents. À croire que le public des salles de cinéma ne fut guère constitué – entre 1930 et 1970 – que d’hommes hétérosexuels. Cette accumulation de stéréotypes traverse ce que les historiens qui avaient encore accès aux films et aux textes critiques appelaient la « Nouvelle Vague » (La Lola / Anouk Aimée de Jacques Demy, jusque dans sa rousseur, est bien la sœur de la Viviane Romance de Prisons de femmes ou de la Rita Hayworth de Gilda).
Au milieu des années 50, une inconnue vint bousculer ces jambes gainées de bas noirs, ces corps engoncés dans des robes fantasques. Brigitte Bardot signa l’acte de naissance d’une représentation nouvelle du corps féminin, habillée de sa seule chevelure, saisie en gros plan (et non plus en pied), engendrant de la sorte un nouveau stéréotype repris largement dans les années 70 (L’Étrangère, Ce corps tant désiré).
Au fond, ces « belles de jour » nous parlent autant de cinéma que des fantasmes de leurs créateurs (publicitaires et affichistes). Saluons-les pourtant avec le respect qui leur est dû : sans elles, il est probable que le cinéma n’aurait point suscité autant de littérature, grâce à elles il fut – pour le meilleur et pour le pire – une sorte de machine fantasmagorique.
Christophe Gauthier
Une exposition conçue à partir des collections de la Cinémathèque de Toulouse