Les stars jouent leur vie, ou quand la MGM met en scène le quotidien de ses acteurs
Avec près de 500 000 documents, les collections photographiques de la Cinémathèque de Toulouse couvrent l’ensemble du cinéma, sans distinction de genre, de période ou de pays. Si la plus grande partie de ces documents est rattachée à des films (photos de plateau, de tournage ou de promotion), il existe un ensemble distinct qui concerne les portraits de personnalités liées au cinéma. Dans ce fonds de près de 25 000 documents prédomine, notamment par sa qualité de réalisation et de tirage, le fonds photographique produit par la Metro-Goldwyn-Mayer (MGM) : des tirages argentiques de format 21 cm x 26 cm que la célèbre firme au lion utilisait dans le monde entier dès la fin des années 1920 pour promouvoir ses acteurs sous contrat.
Un système promotionnel rodé et destiné aux journaux et revues, que la société de production a développé grâce à son département publicitaire fort de dizaines de photographes attitrés. Une façon pour MGM de cultiver le mythe de la star en présentant les acteurs dans leur quotidien, chez eux, auprès de leur famille. Tâches ménagères, hobbies ou loisirs sportifs, rien n’échappe à la panoplie du parfait citoyen américain.
Outre l’intérêt esthétique de ces portraits témoignant du pouvoir du studio hollywoodien à occuper avec force l’actualité de ces années 1930-1940, où Clark Gable et Joan Crawford illuminaient les écrans, c’est la perception finale où aucune trace de spontanéité ne prédomine qui interpelle le spectateur : une forme de lissage artificiel où tout est toujours propre, plaisant et beau.
Car ce qui frappe au-delà du soin et du professionnalisme de ces portraits, c’est justement le manque de naturel dans des actions qui se veulent au contraire banales, ordinaires. Une maîtrise quasi clinique du studio menant – dans ce qui se voudrait être un témoignage de ce qu’est une star en dehors de l’écran − à un décalage face à la réalité.
Même prises au-delà de leurs rôles, ces stars restent prisonnières de leur aura d’artiste et aucun naturel sur ces images ne vient apporter au spectateur un semblant de vérité : les intérieurs de leurs villas ressemblent à des décors de studios, leurs voitures rutilent comme si elles n’avaient encore jamais roulé et les piscines servent à parader, pas à se mouiller.
À l’image de ce tirage où Wallace Beery pousse une tondeuse. Imprimée au verso de la photo, la légende officielle de MGM : « Wallace Beery, dans le jardin de sa maison de Hollywood, qu’il aime à entretenir personnellement ». Oui, une star peut tenir une tondeuse dans son jardin, en chemise blanche retroussée, la cravate repliée dans la poche du pantalon au pli impeccable et les chaussures cirées et immaculées. Mais la passer ? Non. L’acteur est condamné à jouer. Même son propre rôle.
Alors amusons-nous sur ces clichés à capter tous ces détails comme autant d’indices d’une réalité fantasmée.
Vincent Spillmann, Département des collections
> 9 janvier – 8 février 2018
> 19 février – 11 mars 2018
Cinémathèque de Toulouse (hall)