On l’appelait Western spaghetti
Avec son Per un pugno di dollari (1964), Sergio Leone a posé les codes esthétiques et scénaristiques du « western spaghetti », appellation dérisoire donnée par les Américains à cette réappropriation du genre à la sauce italienne. Tout en manifestant de l’admiration pour les John Ford et John Wayne, ces productions italiennes donnent vie à un univers bien différent, moins manichéen et plus humain, où la violence est reine et les personnages crasseux, mal rasés, sans morale, cyniques et sadiques, misogynes et individualistes, poussés par la vengeance ou l’argent : des anti-héros.
Comme les films, où le sang coule à flots, les affiches ne lésinent pas sur la représentation de la violence : pistolets sur la tempe, exécutions, tortures, duels, pendaisons sont au premier plan, souvent sous un soleil brûlant et implacable.
Les affichistes italiens – ici Casaro, Gasparri, Franco, Symeoni… – jouent dans leurs compositions avec les codes esthétiques du genre. Les cadrages expressifs comme des contre-plongées (Prega il morto e ammazza il vivo ou Rimase solo e fu la morte per tutti), un encadrement original de la scène (entre les jambes dans Arriva Durango… paga o muori ou sous le bras dans C’é Sartana… vendi la pistola e comprati la bara!), les zooms sur les détails (Wanted Sabata) ou encore le ralenti et la dilatation du temps (Wanted) donnent un avant-goût de l’imaginaire baroque qu’on retrouvera à l’écran.
La veine humoristique qui traverse le genre – jusqu’à éclore dans des parodies à part entière avec Terence Hill et Bud Spencer – est suggérée aussi dès l’affiche, par des titres à rallonge et extravagants.
La profusion de noms américains aux génériques témoigne de la parenté revendiquée avec le western classique, mais aussi de l’idée de séduire un public pour lequel ce genre reste l’apanage du cinéma d’outre-Atlantique. Si l’emploi d’acteurs hollywoodiens est courant (de Clint Eastwood à Jack Palance, en passant par Richard Harrison), nombreux sont les pseudos à consonance américaine des réalisateurs italiens et autres membres de l’équipe. Dans le sillage de Pour une poignée de dollars, signé « Bob Robertson » (Sergio Leone) et avec musique de « Dan Savio » (Ennio Morricone), à leur tour Giuliano Carnimeo signe « Anthony Ascott », Pasquale Squitieri devient « William Redford », Demofilo Fidani opte pour « Miles Deem », Giuseppe Vari se change en « Joseph Warren »…
« Locandine » (70×33 cm), « manifesti » (140×100 cm) et « soggetti » (50×70 cm) – les formats typiques des affiches italiennes, souvent entrées dans nos collections grâce aux échanges avec la Cinémathèque suisse – sont à l’honneur dans cette exposition, sous le regard narquois de Django, Sartana, Sabata et les autres.
Claudia Pellegrini, Département des collections
Cinémathèque de Toulouse (hall)