Pollet-Sollers : rencontre en Méditerranée
Jean-Daniel Pollet est un cinéaste hors norme que l’on connaît essentiellement pour ses comédies burlesques avec le lunaire Claude Melki (L’amour c’est gai, l’amour c’est triste, L’Acrobate). C’est avec son film-essai Méditerranée, réalisé en 1963 qu’il rompt avec le récit séquentiel – caractérisé par un début, un développement et une fin.
Pollet raconte : « C’est l’époque où commence le Nouveau Roman. J’y ai plongé et ça a donné Méditerranée. Je me suis dit comme ça, une nuit : tiens, je vais faire le tour de la Méditerranée. C’était pour boucler la boucle. C’est-à-dire, il y a trente-cinq mille kilomètres et on les fait… »
Dans ce film magistral, hué à sa sortie mais aimé par tant d’écrivains et de cinéastes, les variations autour d’un motif, les répétitions, les mouvements de caméra semblent plutôt suivre les règles de la métrique grecque que s’adapter aux conventions de la narration cinématographique.
L’écriture a, dans le cinéma de Pollet, une importance capitale. C’est ce que nous découvrons grâce à ses archives foisonnantes, à ses planches de photographies de repérage, à ses séries d’images cousues ensemble comme des mots qui ne peuvent exister l’un sans l’autre.
Après avoir pensé laisser le film sans commentaire, Pollet décide de coller aux images une voix qui soit le double en parole de ce qu’il est en train de réaliser. Ce double, il le trouve en Philippe Sollers, qui écrira un texte magnifique vibrant à l’unisson avec les images et nous transportant dans un lieu immémorial, dans un temps hors temps, sans début, sans durée, sans fin : leur Méditerranée commune.
Le cinéaste et l’écrivain sont liés, comme le dit Sollers lui-même, par « une extrême attention à la qualité plastique de la réalité, aux objets et à la couleur », mais aussi par « cette entente commune sur le fait de faire voir ce que l’on n’a jamais vu ». Et Sollers d’expliquer : « L’orange suspendue à l’arbre semble être le fruit défendu du Paradis dans la Bible. Pollet l’a filmée comme une sorte d’hypnose, je n’ai jamais vu une telle orange. »
À l’occasion de la rétrospective Jean-Daniel Pollet à la Cinémathèque de Toulouse et de la ressortie de tous ses films restaurés, un retour sur ce film essentiel, grâce aux textes et aux photogrammes que vous pourrez retrouver dans l’édition absolument remarquable du livre-DVD publié par La Traverse et les Éditions de l’Œil.
Francesca Bozzano
directrice des collections de la Cinémathèque de Toulouse
Entrée libre – Ombres Blanches – Langues Étrangères