Julien Duvivier à l’honneur
Julien Duvivier a traversé l’histoire du cinéma français sur un demi-siècle avec soixante-huit films, en ayant comme seules constantes l’exploration des genres, la diversité des styles adoptés et la prédilection pour les thèmes âpres, noirs, amers.
Sa carrière commence au début des années 1920, en aboutissant à des réalisations importantes comme Poil de Carotte (1925) et Au bonheur des dames (1930). Il est l’un des rares cinéastes de cette époque à affronter le passage du cinéma muet au sonore sans hésitations ni tâtonnements et, en 1931, réussit magistralement son premier film parlant, David Golder, qui obtient un plein succès de critique et de public.
Les années 1930 seront ses années d’or, celles de ses films les plus connus et célébrés, parmi lesquels La Bandera, La Belle Équipe, Pépé le Moko, qui contribueront à installer Jean Gabin dans l’olympe des acteurs français et à en faire un mythe.
Dans le premier numéro de Photo-ciné (15 janvier 1927), Duvivier parle de son rêve de cinéma :
« […] reproduire, copier, ne m’a jamais intéressé. Mais suggérer ! Quel domaine immense ! […] Photographier un paysage et suggérer le silence qui l’enveloppe, la chaleur qui l’accable, le parfum qui le révèle ; suggérer la vitesse sans rien montrer que l’immobilité, l’amour sans que l’on voie les êtres qui en sont possédés, la haine sous de courtois dehors ; suggérer les caractères par mille nuances qui les dépeignent, le temps et l’espace sans marquer la durée ni les distances, combien cela me paraît attachant, digne des heures solitaires de réflexion, digne de cet étrange labeur qui consiste à « refaire la vie » avec de la lumière artificielle, des décors en
contreplaqué dans une atmosphère de menuiserie, de laboratoire et de coulisses de théâtre.
Ainsi je rêve de films merveilleux, faits avec rien et où on aurait tout. Mais ces films-là, je ne les tournerai jamais. Car, à côté de ce cinéma-là [le « cinéma tout court »], il y a le cinéma-spectacle, son adversaire résolu. »
En parcourant les affiches et les documents promotionnels liés à la riche filmographie de Duvivier, en passant d’un film religieux à un polar, d’un film fantastique à un mélodrame, d’un film à sketchs à une comédie, nous avons sous les yeux cinquante ans d’une carrière hors norme, mais aussi un panorama significatif de l’histoire de l’industrie cinématographique française.
Car, si Julien Duvivier a su s’écarter des règles de la profession imposées par les producteurs et le marché, il a aussi dû s’y plier, tout en essayant de ne pas trahir les raisons pour lesquelles le cinéma l’intéressait au plus haut point.
Un hommage à un grand cinéaste à travers le prisme du matériel promotionnel existant dans les collections de la Cinémathèque de Toulouse – affiches, photographies de tournage ou de plateau, press-books, films illustrés –, qui nous donne également l’occasion de regarder de près combien et comment le matériel publicitaire cinématographique a pu évoluer entre les années 1920 et 1960.
Francesca Bozzano,
directrice des collections
de la Cinémathèque de Toulouse
Entrée libre