Comme un roman affiches d’adaptations littéraires dans le cinéma muet
À l’occasion de la troisième édition de SYNCHRO, la Cinémathèque de Toulouse propose de découvrir au ThéâtredelaCité plusieurs affiches parmi les plus anciennes et les plus précieuses de sa collection.
Aux côtés des affiches de format standard (120 × 160 cm), le visiteur pourra admirer, parmi les nombreuses pièces allant de 1911 à 1928, deux lithographies de trois mètres de base. Destinés à être collés aux murs ou sur des panneaux en bois, ces supports publicitaires de très grand format étaient généralement réservés aux films à gros budget. Leur préciosité et leur caractère éphémère en font aujourd’hui de véritables trésors.
La Dame aux camélias, Les Misérables, Scaramouche, L’Ami commun ou encore La Faute de la sœur aînée… Le ton est donné : pour asseoir la réputation des films dont elles font la promotion, toutes ces affiches ou presque mentionnent explicitement un roman célèbre ou son auteur.
En effet, depuis la naissance du cinéma, la littérature représente une importante source d’inspiration, mais aussi une mine à exploiter, dans laquelle producteurs, réalisateurs et scénaristes puisent tous les ingrédients du succès : des récits poignants, un regard aiguisé sur la société et une légitimité intellectuelle. Le cinéma muet commence très vite à adapter romans, pièces théâtrales et feuilletons, tant pour des raisons commerciales – certains écrivains étant très suivis et appréciés par le public des salles obscures – que pour anoblir ce qui n’était à ses débuts qu’un divertissement populaire, en l’élevant au rang d’« art » à part entière.
L’industrie cinématographique s’empare des œuvres littéraires en réalisant parfois des adaptations somptueuses. C’est le cas des Misérables, film d’une durée d’environ sept heures réalisé à partir du chef-d’œuvre de Victor Hugo par Henri Fescourt en 1925, comme de Salammbô de Gustave Flaubert, adapté à l’écran par Pierre Marodon,également en 1925 ; c’est le cas aussi de L’Argent de Marcel L’Herbier, qui adapte en 1928 le roman homonyme d’Émile Zola, ou encore de Scaramouche, transposition cinématographique par Rex Ingram du roman historique de Rafael Sabatini, dont la très grande affiche trône dans l’exposition.
Tous les genres littéraires sont exploités, donnant origine à leurs équivalents cinématographiques : les mélos, les policiers, les films historiques, les films fantastiques, les films humanistes, les feuilletons… Les affiches permettent aux spectateurs de comprendre d’un seul coup d’œil dans quel registre le film s’inscrit : celle de Monsieur Lecoq de Maurice Tourneur, adaptation du feuilleton d’Émile Gaboriau de 1868, par exemple, reprend le style des illustrations des faits divers dans les journaux de la fin du XIXe siècle. L’affiche du Rêve doit laisser pressentir l’innocence d’Angélique, protagoniste du roman d’Émile Zola, celle de Mandragore montre explicitement l’élément fantastique constituant le récit du roman de Hanns Heinz Ewers (Alraune, 1911) et celle de Salammbô exprime le goût pour l’orientalisme contenu dans le livre de Gustave Flaubert.
Certaines œuvres littéraires semblent inépuisables : La Dame aux camélias, Les Misérables, Scaramouche, mais aussi Carmen, Dracula, Le Comte de Monte-Cristo, pour n’en citer que quelques-unes… Des personnages qui semblent vivre au cinéma depuis toujours, et pouvoir continuer à évoluer et à se renouveler sur les écrans à l’infini, sans que le temps arrive à tarir leur force d’inspiration. Magie des mots, magie de l’image…
Francesca Bozzano, directrice des collections de la Cinémathèque de Toulouse
du mardi au samedide 14h30 à 18h30 ainsi que les soirs de représentation
ThéâtredelaCité
Entrée libre