L’illusion en jeu
L’illusion en jeu et jeux d’illusions
Dans le prolongement du colloque L’illusion en jeu consacré aux différents moyens de concevoir, d’écrire et d’appliquer l’illusion dans les arts du spectacle ; dans son prolongement cinématographique et dans celui de la question du réalisme que nous avions abordée autour d’André Bazin avec « Qu’est-ce que le cinéma ? », une petite programmation sur un week-end pour jouer avec la perception du monde et en bousculer les repères. De la représentation du monde à un monde en représentation.
Réalité et illusion du réel, ou vérité et mensonge pour reprendre le titre d’un film d’Orson Welles sur le sujet : de l’art de la manipulation ; tout en flirtant ici avec le fantastique dans ce qu’il a d’admirable selon André Breton – c’est-à-dire qu’il n’y en pas et qu’il n’y a que le réel. Un réel en trompe-l’œil, qui n’est que question de regard – de savoir, vouloir, pouvoir, ou refuser de regarder. Ce qui est sous nos yeux, ou au-delà… Une affaire d’interprétation : ou que l’on fabrique du faux avec du vrai et inversement, ou que l’on falsifie le réel pour le rendre invraisemblablement vraisemblable et inversement. Bref, de la réalité de l’illusion à l’illusion de la réalité…
Aux portes de la perception, c’est donc à un glissement de l’illusionnisme (art de la scène) vers le cinéma (art de l’illusion) que nous vous invitons. Sautant de Méliès, véritable passerelle entre la scène et l’écran (du cabaret avec les trucages du cinéma), à Inception, vertigineuse machine à rêves, grand huit du septième art à l’ère des trucages numériques. Du spectacle au spectaculaire. Ou encore de la mise en scène d’un illusionnisme (Méliès, L’Hypothèse du tableau volé, Céline et Julie vont en bateau_) à une illusion mise en scène (_Mulholland Drive, Real, Inception_) : de l’illusion comme sujet et de l’illusion comme moyen.
On pourra alors glisser d’une enquête ésotérique sur la représentation à partir de tableaux vivants (L’Hypothèse du tableau volé_) au virtuel d’une vie recomposée à travers des rêves (Inception_), dans un mouvement de mise en abîme enchâssant les récits. Et d’un récit chassant l’autre, nous lâcherons le sens des réalités en nous enfonçant au cœur des troubles cognitifs (Mulholland Drive_) : perte de mémoire ? Ou projections d’un autre film plus ancien et joyeux (Céline et Julie vont en bateau), où déjà deux femmes avaient à faire à un reflet du monde, traversant peut-être de l’autre côté, en proie à des hallucinations ou à de véritables visions fantômes. Et dès lors, pourquoi pas, délaisser les méandres de la psyché pour partir à la rencontre de réels fantômes (Real)… De la disparition à l’apparition…
Car entre la scène et l’écran, c’est bien au niveau du visible et de l’invisible que se joue l’art de l’illusion. Cacher ce qui est visible dans l’illusionnisme. Montrer l’invisible au cinéma. Mais toujours donner l’illusion d’un impossible possible.
Franck Lubet, Responsable de la programmation