Histoires de cinéma 2
Aujourd’hui où tout va très vite, où les images et les sons sont un flux continu, où l’immédiateté permanente plante les germes de l’oubli, aujourd’hui où même le cinéma dit « de patrimoine » est rattrapé par les diktats de l’actualité à tout crin, où l’actualité même s’est marchandisée, Histoires de cinéma propose une parenthèse. Un temps pour sortir des circuits tout tracés, un temps pour emprunter des chemins buissonniers, pour se perdre afin de mieux se retrouver. Un temps, quasiment, de chaos. De celui qui prépare à la création, qui est gestation. Une respiration pour retrouver de l’inspiration. Un moment de pause plutôt que de frénésie, moins festival tel qu’on l’entend classiquement, que laboratoire − un laboratoire du regard. Ouvrir les yeux plutôt que simplement donner à voir.
Raconter le cinéma. Le raconter comme on raconte des histoires. Voilà notre proposition, à travers des programmations de films qui s’inscrivent dans un récit, des programmations qui sont récit. Parce que mettre des films ensemble, qui se prolongent, qui se répondent, qui se télescopent, c’est dire quelque chose. Quelque chose du cinéma et quelque chose du monde dans lequel on vit. L’Histoire. Et des histoires. L’Histoire à travers des histoires. Et des histoires qui font l’Histoire. Quelque chose du passage, du témoignage, de la transmission. Et qui passe par la mise en regard.
Pour cela nous donnons la parole à des acteurs du cinéma (ni cinéastes, ni comédiens – rétrospectives interdites) et nous l’ouvrons à d’autres acteurs de la vie culturelle, en leur demandant d’exprimer une idée, une position, un désir, de nous raconter une histoire à travers des films. Des personnalités d’horizons différents, qui, réunies, offrent une approche totalement kaléidoscopique du cinéma et du monde. De la vie.
Nous recevons cette année :
Maylis de Kerangal, écrivaine dont le dernier roman, Un monde à portée de main, passe par l’éternelle Cinecittà pour nous entraîner dans une grotte des commencements.
Claire Atherton, monteuse, notamment des films de Chantal Akerman, dont le rapport au réel passe par la poésie − la musicalité et le rythme de cet « art premier », mais aussi sa capacité à nous ouvrir à d’autres mondes, juste sous nos yeux.
Maud Nelissen, musicienne, compositrice, qui accompagne le cinéma muet de par le monde en posant sur lui un regard mélomane, c’est-à-dire à l’écoute.
Claude Lévêque, artiste plasticien dont les installations se réapproprient un réel passé au tamis de la lumière et frappé de slogans au néon.
Julien Gester et Mathieu Macheret, critiques de cinéma, le premier à Libération et le second au Monde, qui écrivent le cinéma au quotidien.
Et James Layton, du Département Film du MoMA (Museum of Modern Art, New York) qui présentera le travail de restauration récemment effectué par la prestigieuse institution américaine sur son fonds William Fox du début des années 1930.
Autant d’histoires singulières. Des histoires qui, à première vue, n’ont rien à voir entre elles et qui pourtant pourraient bien avoir à voir, dessinant sans concertation une trajectoire similaire. Celle de l’initiation, du passage d’un état à un autre : géographique, temporel, physique et mental, si ce n’est spirituel. Autant de faisceaux qui, mis en commun, rappellent que le cinéma est mouvement – des images, des idées et des sentiments.
Franck Lubet, Responsable de la programmation