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Extrême Cinéma 2019

Du vendredi 08 février 2019
au samedi 16 février 2019


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20 ans. Déjà. Putain, 20 ans… Comme on sort d’un gros trou noir avec une gueule de bois à la Bruce Willis dans Le Dernier Samaritain ou Une journée en enfer, de ces films d’action des années 1990 où on fumait encore presque autant que dans un Sautet. Mais qu’est-ce qu’on a fait pour en arriver là ?… Vingt ans. L’aspirine descend au fond du verre en un mouvement de soucoupe volante qui a perdu son assiette, et l’on s’accroche aux bulles qui remontent à la surface comme les souvenirs.
Vingt ans ? Peut-être bien plus. Extrême Cinéma est de ces personnages dont l’état civil n’est pas très clair. C’était peut-être en 1997, l’année où la Cinémathèque prenait ses quartiers rue du Taur, quand le cinéma de genre, le cinéma bis, le cinéma d’exploitation, avaient mauvaise réputation. Une bande de jeunes avait ouvert Les Faubourgs du cinéma (l’ancêtre de notre Extrême CinémaThèque). Ils s’appelaient Franck Priot, Alex Masson, Frédéric Thibaut, Laurent Hellebé, Éric Cherrière… Ils ne travaillaient pas à la Cinémathèque mais en programmaient des films des collections, des films recalés par la grande histoire. C’était le samedi soir à 22h30. Un rendez-vous où l’on venait seul, en couple ou en bande, se faire un Hammer, un spaghetti, un poliziesco, un chambara déviant ou un film érotique, un film d’horreur ou un post-apo, le tout le plus souvent en version doublée d’époque. Insomniaques, bisseux, désaxés, ou simplement égarés qui avaient vu de la lumière s’y retrouvaient. Il y avait un sentiment de famille dysfonctionnelle dans ces Faubourgs du cinéma. Et ça se passait à la Cinémathèque, temple du cinéma, et désormais de tous les cinémas. C’est dans ce berceau qu’est né Extrême Cinéma. En 1998, comme un best of des Faubourgs du cinéma, les supplantant très vite. Putain 20 ans ! En vingt ans, le groupe a évolué : Priot et Masson, les créateurs du festival, sont partis sous d’autres latitudes, Cherrière est parti faire des films, Hellebé a monté les éditions Panik et Lubet a rejoint l’aventure, ainsi que Seb Fauvarque, arraché trop tôt par la grande faucheuse il y a déjà dix ans. En vingt ans, Extrême Cinéma est passé par tous les stades, toutes les durées et toutes les saisons. Quinze jours à ses débuts, puis neuf jours avec fermeture du lundi mais séances le dernier dimanche, puis cinq, puis de nouveau neuf jours avec ouverture le lundi mais clôture le samedi avec la Nuit. Du printemps − de la mi-avril à fin mai −, à l’automne − du début à fin novembre −, à l’hiver, autour du 8 février, depuis deux ans. Des programmations thématiques (Porno pouvoir, Celluloïd chaos, Freakshow, Zoofilms, L’hôpital et ses fantasmes, Mondo Bizarro…) et rétrospectives, on est passé à des doubles programmes et des soirées avec invités. En vingt ans sont passées par Extrême Cinéma des personnalités aussi différentes que Frank Henenlotter, Catriona MacColl, Thierry Zéno, Macha Méril, Rachid Nougmanov, Ovidie, Jean Rollin, Marthe Keller, Nick Zedd, Brigitte Lahaie, Wilhelm Hein, Marie Losier, Jeff Lieberman, Lucile Hadzihalilovic, Richard Stanley, Agnès Merlet, Yves Boisset, Jean-Pierre Bouyxou… Vingt ans. En vingt ans, ce qui était au départ un festival organisé avec toutes les forces de la Cinémathèque mais par des personnes extérieures à celle-ci, est devenu un festival à part entière de la Cinémathèque. Du statut d’enfant terrible avec lequel on aime s’encanailler, il est devenu membre respectable, et ses deux derniers organisateurs font aujourd’hui partie des trois programmateurs officiels de la Cinémathèque. De quoi se poser des questions. Aujourd’hui, plus besoin d’Extrême Cinéma pour programmer du Dario Argento ou du Verhoeven. Pas parce que ces deux programmateurs sont au four et au moulin, mais parce que ce qui était considéré comme de la sous-culture il y a vingt ans, et que nous envisagions alors comme contre-culture, fait aujourd’hui œuvre de culture tout court. Une culture qui rassemble autant des quinquagénaires qui ont pu voir en salle, au moment de leur sortie, les films que nous programmons ici, que des jeunes gens avides de les découvrir. C’est qu’en vingt ans, les Cinémathèques de Toulouse avec Extrême Cinéma et française avec son cinéma Bis − ainsi que les distributeurs et les éditeurs de DVD, tout comme des cinéastes tels que Gans, Tarantino ou Refn, ont travaillé à la reconnaissance de cette frange du cinéma considérée alors comme subalterne. Et nous avons bien travaillé. Trop, peut-être. Car si l’on finit par connaître tout Carpenter sans avoir vu Rio Bravo, où sera la contre-culture de demain ? C’est la question que l’on se pose quand on se réveille avec la gueule de bois d’un zapoï de vingt ans. Mais peut-être sommes-nous déjà trop vieux pour y trouver une réponse. Ou encore trop jeunes pour nous la poser. Et il y a encore tant de films de toutes époques, incongrus et inattendus à exhumer.
L’aspirine finit de se dissoudre. Peut-être contiendra-t-elle cette mémoire qui tape de plus en plus fort aux tempes ? Une mémoire qui commence à raconter sa légende. Ça craint. Une mémoire qui demande à s’oublier au fond d’un verre, ce serait peut-être mieux. Bah, incontinente, l’histoire aussi s’oublie parfois. Et c’est préférable aussi, parfois, pour continuer d’avancer. Allez remets-nous en un plutôt. Un dernier, pour la route. Le dernier, jusqu’au suivant. Jusqu’à plus soif. Jusqu’au coma. Et à la vôtre, car si on n’aime pas les anniversaires, on n’aime pas non plus se cuiter seuls. À la vôtre et à dans vingt ans.

Extrême Cinéma Team

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