Les films qu’il faut avoir vus 2019
Comme de coutume dorénavant, une courte programmation d’incontournables pour reprendre la saison en se remettant les idées en place au sortir de la coupure estivale. Une programmation, faut-il le rappeler, qui ne vise pas à l’exhaustivité, mais à reposer quelques repères sur la carte du cinéma. Des films jalons, qui ont marqué leur époque, qui appartiennent à un tournant de l’histoire du cinéma, esthétique, technique… Des films qui font le cinéma et la cinéphilie. Des films qui appartiennent tout simplement à la culture générale.
Des films, enfin, pour reposer les fondations d’une base cinéphilique à partir de laquelle commencer une nouvelle saison. Une nouvelle expédition, avons-nous envie de dire, comme on parle d’exploration. Celle, pour reprendre une formule de Serge Daney, d’un pays, le cinéma, qui ne figure sur aucune carte de géographie – parce qu’il les englobe tous – et qu’il est encore temps d’explorer de l’intérieur.
Cette exploration de l’intérieur est un travail de tous les instants et de toute la saison, de toutes les saisons. Et débuter de la sorte, par une programmation de films clés, est après tout naturel. Une manière de constituer un trousseau de clés, de passes, pour forcer toutes les serrures du cinéma.
Pour cette présente saison, au-delà de l’aspect disparate de la proposition, se dégagera un trajet souterrain qui nous mènera dans les soubassements du cinéma, à son fondement : son rapport au réel.
Son écriture obsessionnelle du réel, entre enregistrement pur d’une réalité et réalité d’un langage du vraisemblable. De l’idée d’un cinéma du réel à la conscience réelle du cinéma. Des effets de réel à la notion de mise en miroir, jusqu’à l’abîme, du cinéma. Une traversée des apparences tenue par des passerelles entre des films mis en réseau.
Du côté du réel, entre forme de vérité brute et construction d’une forme : Nanouk l’esquimau, L’Homme à la caméra, Le Beau Serge, Gare centrale, Rocco et ses frères, Documenteur, Wanda, Rosetta. L’art de la représentation de la vie. Des formes de réalisme : le documentaire, le ciné-œil, le néoréalisme, la Nouvelle Vague, en passant par le réalisme poétique…
Côté réalité du cinéma, de la fabrication d’un film à la fabrique de cinéma, de la mise en scène du cinéma à la mise en abîme de la perception comme projection du monde au-delà du visible : L’Homme à la caméra, Huit et demi, Documenteur, Boulevard du crépuscule, Une étoile est née, Le Carrosse d’or, Epidemic, Videodrome, Inception, 1984. L’art de la représentation dans la vie. De la manipulation de l’image à un état de manipulation par l’image.
Ou comme écrivait Michel Mourlet avant d’être godardisé : « le cinéma est un regard qui se substitue au nôtre pour nous donner un monde accordé à nos désirs ». Il est aussi un désir d’accorder notre regard à un monde qui se substitue à lui-même. Bref, des films qu’il faut regarder (ensemble) plus qu’avoir vus (séparément).
Franck Lubet, responsable de la programmation