Fantastique australien : le cri de la nature
Un pique-nique sous un soleil désertique. Deux enfants en uniforme scolaire pas vraiment adéquat pour la circonstance. Un lézard de feu. Des coups de feu. Le père qui tire sur ses enfants. La voiture qui brûle dans cette fournaise. Le père qui gît au sol. Deux enfants blancs abandonnés dans le désert. Le walkabout, l’errance initiatique dans la culture aborigène du passage à l’âge adulte, peut commencer (La Randonnée de Nicolas Roeg, 1971). L’Outback vient de tomber sur le dos du cinéma de genre australien.
Dans le prolongement du spectacle de Leah Shelton, Terror Australis_, présenté au théâtre Garonne en octobre dernier, nous vous invitons à une excursion dans la terreur made in Australia. Une plongée dans un cinéma fantastique singulier. Profondément ancré dans son territoire, dans sa topographie : des espaces vierges, isolés et sauvages – le bush, un monde d’avant les hommes. Et viscéralement lié à son histoire et à sa culture : la cohabitation violente d’une culture native ancestrale, la culture aborigène, et d’une culture européenne colonisatrice et génocidaire. Avec sa faune et sa flore spécifiques, sa rudesse, sa mythologie aborigène qui flirte avec la magie et une colonisation marquée par la violence, le cinéma australien a inventé un fantastique qui prend directement racine dans la nature. Dans sa nature. Habituellement, dans le genre, la nature est le théâtre du fantastique ou de l’horreur. Dans le cinéma australien, elle en devient actrice. De décor, passif, où une action peut prendre place, ce qui se fait généralement dans le cinéma, la nature ici devient un élément de l’action. D’un cri dans la nature au cri de la Nature, sous ses airs de fin du monde, le cinéma fantastique australien s’est fait écologique voire écologiste. La nature, ici, regarde les hommes tomber et les y aide s’il le faut. La nature ici se rebelle contre l’homme. Et elle a un nom de guerre : l’Outback. Des jeunes filles peuvent y disparaître mystérieusement derrière des rochers (Pique-nique à Hanging Rock_). Une pluie apocalyptique peut noyer Sydney dans une vision de fin du monde qui résonne étrangement avec nos dérèglements climatiques (La Dernière Vague). On peut l’arpenter dans tous les sens, sans queue ni tête, sans plus de but sinon l’obsession et la mécanique automobile comme seul ressort (Mad Max, Déviation mortelle_). On peut en revenir initié (La Randonnée_) ou ne jamais totalement en revenir (Réveil dans la terreur_). On peut en mourir (_Long Weekend) ou en revenir survivant, peuplé de fantômes (Le Survivant d’un monde parallèle). Mais on aura toujours l’Outback sur le dos.
Entre fantasme redneck à la Massacre à la tronçonneuse et Délivrance et sentiment de culpabilité par rapport à la culture aborigène, on y croisera du pur cinéma d’exploitation, l’ozploitation, et du cinéma dit d’auteur. Essentiellement centrée sur les années 1970 et 1980, il ne s’agira pas, bien sûr, d’une programmation représentative du cinéma de genre australien dans son ensemble, mais d’une proposition de lecture, à travers un ensemble de films, d’une cinématographie originale, et peut-être unique en son genre par sa densité, où la nature est au cœur de l’action. Au cœur de ténèbres écrasées par le soleil.
Franck Lubet, responsable de la programmation
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