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Satoshi Kon

Du mercredi 19 février 2020
au mardi 10 mars 2020


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Satoshi Kon
de la réalité au rêve

Est-ce parce qu’il est mort jeune, dans sa quarantaine, avec seulement quatre longs métrages et une série à son compteur ? Ou parce qu’il s’est éteint alors qu’il réalisait un nouveau film, laissant 25 minutes invisibles ouvertes à tous les fantasmes ? Avec pour titre Dreaming Machine, ce film inachevé a tout d’un scénario de Satoshi Kon par son inachèvement : peut-être enferme-t-il son esprit dans une sorte d’éternité que le rêve a arraché à l’inéluctable mort et que la vision détruirait à jamais ? Satoshi Kon est entré dans la légende du cinéma d’animation japonais. On peut même dire qu’il a fait entrer le cinéma d’animation dans son âge adulte, rivalisant sans problème avec le cinéma traditionnel tourné en prises de vues réelles avec des acteurs. Venu du manga, se formant auprès des grands maîtres du genre que sont Katsuhiro Otomo (Akira) et Mamoru Oshii (Ghost in the Shell, Patlabor), il passe à la réalisation à la fin des années 1990 avec Perfect Blue, un film aux accents de giallo (polar italien érotico-sadique des années 1970), qui racontait l’histoire d’une jeune star de la pop japonaise victime d’un tueur en série fétichiste. Un scénario et des séquences dignes d’un film de Dario Argento. Un jeu sur les faux-semblants et les troubles psychiatriques digne d’un Brian De Palma tendance Obsession, Pulsions et Body Double. Ce jeu sur les faux-semblants sera sa marque de fabrique, brouillant incessamment les frontières entre rêve et réalité au cours de films-enquêtes. Enquête policière classique dans Perfect Blue. Enquête journalistique dans Millennium Actress où l’on remonte la carrière d’une ancienne star du cinéma dans un mélange de souvenirs et de séquences de ses films. L’enquête de trois SDF, à la recherche des parents d’un nourrisson abandonné, qui vont retrouver les fantômes de leur passé (Tokyo Godfathers). Enquête dans le monde des rêves avec avatars pour retrouver le voleur d’une machine à entrer dans les rêves qui utilise cette dernière pour manipuler la réalité – le chef-d’œuvre de Satoshi Kon dont s’est inspiré Christopher Nolan pour Inception : Paprika. Le cinéma de Satoshi Kon est une plongée dans une réalité corrompue par le rêve et des images de souvenirs aussi vivantes que des fantômes. Un cinéma de la psyché qui, en fracturant celles de ses personnages, ne cesse d’interroger le cinéma dans son ensemble sur les possibles d’une représentation autre de la réalité. Par le rêve. Par une traversée du miroir que le cinéma traditionnel ne peut tenter que précautionneusement. De cette traversée, de ce pont qu’il a lancé entre réalité et fabrication mentale, Satoshi Kon nous a ramené des films de l’anima, des films de l’âme, vertigineux par l’insondable auquel ils se confrontent. Seul peut-être le cinéma d’animation, par sa liberté, d’invention et de narration, pouvait aller aussi loin.

Franck Lubet, responsable de la programmation