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Andreï Konchalovsky

Du mardi 18 février 2020
au mercredi 18 mars 2020


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Andreï Konchalovsky
cinéaste de toutes les Russies

Pour qui ne connaîtrait pas Andreï Konchalovsky, c’est une trajectoire digne d’un personnage de ses films. Des origines aristocratiques – du côté de son père – passées par la Révolution. Un père, Sergueï Mikhalkov, poète à qui l’on doit les paroles de l’hymne national de l’Union soviétique et qui, dans les années 1960, occupe le poste de secrétaire de l’Union des écrivains, ce qui en fait un officiel du régime. Ce pourquoi, aussi, Andreï Konchalovsky prendra dès le début de sa carrière le nom de sa mère, Natalia, elle aussi écrivaine et fille et petite-fille d’une lignée d’artistes : Vassili Sourikov, célèbre peintre de la fin du XIXe siècle, et Piotr Konchalovsky, peintre impressionniste tout aussi célébré. Ajoutons au tableau que Nikita Mikhalkov, cinéaste connu notamment pour Les Yeux noirs, Soleil trompeur…, est son frère cadet et l’on découvre une famille d’artistes russes qui a traversé tout le siècle dernier. De quoi dépeindre une véritable fresque de la Russie à travers sa culture. Ce qu’a fait Andreï Konchalovsky, tissant petit à petit une œuvre cinématographique aussi romanesque que picturale dans sa manière de saisir et d’interroger l’Histoire et son sens – ce qui n’est pas rien avec la Russie du XXe siècle. Une œuvre où chaque nouveau film est une remise en question formelle du précédent, comme un recommencement, une suite de recommencements pour éviter tout renoncement. Au commencement, justement, était un autre Andreï, Tarkovski, qui l’amène de la musique au cinéma. Il écrira des scénarios pour lui (Andreï Roublev) avant de passer lui-même à la réalisation avec Le Premier Maître (1965), un eastern tourné en Kirghizie avec des acteurs non professionnels, un premier coup de maître qui l’inscrit d’emblée parmi les jeunes talents d’un cinéma soviétique alors en plein renouveau. Le festival de Venise l’acclame. Sa carrière est lancée. Pour connaître un sérieux coup de frein avec son deuxième film, Le Bonheur d’Assia (1966), un superbe mélodrame réaliste prenant place dans un kolkhoze. Trop réaliste pour le régime qui n’aime pas l’image qu’il donne de la vie collectivisée et le censure par une sortie sabordée (Brejnev a pris le pouvoir et sonne la fin du dégel). Trop réaliste pour les spectateurs qui ne veulent pas retrouver sur un écran leur quotidien et boudent le film. La Russie soviétique est complexe. Le jeune cinéaste revient aux sources avec Tchekhov, Oncle Vania (1970) – rien de tel que le huis clos pour se recentrer – avant de reprendre de l’impertinence avec une comédie musicale pop inattendue, La Romance des amoureux (1974), qui va casser la baraque au box-office soviétique (40 millions d’entrées). Konchalovsky a ses entrées mais reste outsider. Quand Mosfilm, pour fêter le XXVIe congrès du Parti, lui propose de réaliser un grand film (budget illimité) sur la prospection du pétrole en Sibérie. Ce sera Sibériade (1979), Grand prix au Festival de Cannes. Un film officiel. Et pourtant un film typiquement konchalovskien dans sa manière de peindre une nature élégiaque – une constante de son écriture (cadre et lumière) que l’on retrouvera dans toute son œuvre. Sibériade le consacre, Sibériade devrait l’installer parmi les officiels du cinéma soviétique. Mais la trajectoire de Konchalovsky est celle d’un roman. C’est alors qu’il quitte l’URSS, qu’il passe à l’Ouest. En France, d’abord, où une rumeur le disant agent du KGB l’empêche de tourner. Pour les États-Unis, finalement, où il lui faudra tout recommencer à zéro et, après l’épée de Damoclès politique, batailler avec celle, économique, du marché hollywoodien. Changement de décor. Ce sont Golan et Globus, les patrons de la Cannon qui alternaient dans une schizophrénie remarquable la production de films d’auteurs et de films d’action musclés, très musclés, qui lui procurent son second souffle. Konchalovsky tourne avec eux et en toute liberté cinq films : Maria’s Lovers (1984), Runaway Train (1985)… Les gros studios se rapprochent. Des budgets plus confortables qu’à la Cannon, des réseaux plus sûrs vers les sommets. Tango et Cash (1989), avec la Warner derrière et Stallone devant, aurait pu être un palier. Ce fut un enfer pour le Russe complètement dépossédé du film. Pendant ce temps, l’Union soviétique éclate. L’occasion d’un retour au pays avec un film sur le stalinisme vu par le projectionniste du petit père des peuples : Le Cercle des intimes (1991). Une production Columbia et Mosfilm. Un film à Oscar. La marche qui manquait au cinéaste pour l’installer à Hollywood. Mais la Columbia en saborde la sortie, consommant l’histoire du Russe avec le système hollywoodien. Konchalovsky décide alors de revenir au pays et entame sa troisième période (plus éclectique encore et inventive, plus libre) avec Riaba ma poule (1994), retournant avec les anciens du kolkhoze du Bonheur d’Assia. Comme s’il bouclait une boucle. Pour mieux reprendre le fil d’une histoire russe qu’il tisse tel un patchwork depuis ses débuts. Car il s’agit bien d’une histoire de la Russie qui est à l’œuvre chez Konchalovsky. De la fin XIXe / début XXe siècle (Oncle Vania, Sibériade dont l’action court jusqu’aux années 1960), en passant par la Révolution et les années 1920 (Le Premier Maître), le stalinisme (Le Cercle des intimes), la Seconde Guerre mondiale et la Shoah (Paradis), les années Brejnev (Le Bonheur d’Assia, La Romance des amoureux) et l’après soviétique jusqu’à nos jours (Riaba ma poule, La Maison de fous et la guerre de Tchétchénie, Les Nuits blanches du facteur). La peinture d’une histoire russe qui est en même temps une réflexion de, et sur, cette histoire. Des Histoires de la Russie. Une histoire de toutes les Russies.

Franck Lubet, responsable de la programmation

En raison de l’épidémie de coronavirus COVID-19, le cinéaste Andreï Konchalovsky est contraint d’annuler sa venue en France. La rencontre qui devait avoir lieu vendredi 13 mars à 19h à la Cinémathèque de Toulouse est cependant maintenue. Elle aura lieu avec le critique de cinéma Michel Ciment, auteur de l’ouvrage Andreï Konchalovsky : ni dissident, ni partisan, ni courtisan. Conversations avec Michel Ciment. La rencontre, en entrée libre, sera suivie d’une signature.

Dans le cadre de la 2e édition des Musicales franco-russes
En partenariat avec Andreï Konchalovsky Studios
En partenariat avec La Cinémathèque française, à l’occasion de la rétrospective Andreï Konchalovsky, du 17 mars au 8 avril 2020