Les films qu’il faut avoir vus 2020
Des films qu’il faut avoir vus, et revoir, saison 4. « Des » plutôt que l’article défini de l’intitulé (petite provocation amusée), parce qu’il ne s’agit pas d’un top 10 de la Cinémathèque de Toulouse, ni d’une sélection dans les listes des cents meilleurs films de l’histoire du cinéma. Aucune ambition de préciosité exhaustive ou de hiérarchisation savante. Juste l’envie de revoir et de partager des films importants qui appartiennent à la culture générale. Des films jalons, qui ont marqué leur époque, imprimé des tournants aux histoires du cinéma, esthétiques, techniques… Des films qui se revoient pour eux-mêmes, indépendamment les uns des autres, mais qui ne sont pas choisis complètement au hasard malgré l’aspect disparate de la proposition ; puisque l’on pourra y voir se dégager un lien souterrain autour des notions de début et de fin ou de transition.
Ainsi Les Hommes le dimanche, un des derniers films allemands muets anticipant la liberté de récit des nouvelles vagues. Un film témoin des derniers moments insouciants de la République de Weimar et premier film (collectif) de futurs cinéastes de renom qui s’exileront à Hollywood (Robert Siodmak, Fred Zinnemann, Edgar G. Ulmer, Billy Wilder). Vampyr, premier film sonore de Dreyer encore tout empreint de la force visuelle du cinéma muet. La Nuit du chasseur, premier et dernier chef-d’œuvre réalisé par l’immense acteur Charles Laughton. Les Dames du Bois de Boulogne, débuté sous l’Occupation et terminé à la Libération, dernier film « classique » de Robert Bresson. Une femme disparaît, dernier véritable Hitch movie anglais qui ouvrit les portes de Hollywood à Sir Alfred. Le Guépard, somptueuse fresque viscontienne, premier film de la veine proustienne du maître italien, saisissant le déclin d’un vieux monde. Fleurs d’équinoxe, premier film en couleurs d’Ozu dépeignant comme un changement de saison la tradition s’estomper sous les traits de la modernité. Cecil B. Demented ou de l’art du terrorisme cinéphile d’une bande de cinéastes underground bien décidés à en finir avec le cinéma standardisé des studios. Viridiana, qui marquait le retour de Don Luis sur ses terres natales et aussitôt excommunié par le régime franquiste (rare exemple d’un film déchu de sa nationalité). L’Allemagne en automne, film choc produit collectivement par la Nouvelle Vague allemande. Film d’une actualité toujours brûlante, interrogeant le concept de démocratie en crise : où s’arrête-t-elle ? Et donc, où commence-t-elle ?… Mais encore Sayat Nova, œuvre magistrale du poète arménien Paradjanov, seul cinéaste que l’on peut véritablement qualifier de peintre. Film d’une beauté incomparable qui devait sceller sa carrière et sa condamnation esthétique, politique et morale par le régime soviétique. Ou, plus classique, Les Cheyennes, dernier western de John Ford, chant du cygne d’un âge d’or hollywoodien qui raconte le dernier baroud d’honneur du peuple cheyenne. Jusqu’à La Porte du paradis, autre western qui sonna, lui, le glas du Nouvel Hollywood en tordant le cou au mythe d’une Amérique héroïque.
Bref, vous l’aurez compris, à l’heure où le monde d’après ressemble étrangement à la continuité du monde d’avant, le cinéma semble nous dire ici que toute fin est un recommencement. Mais jamais un renoncement.
Franck Lubet, responsable de la programmation