Visions féminines l’autre avant-garde du cinéma portugais
Dans le cadre de la Saison France-Portugal 2022, impliquant quatre cinémathèques françaises (la Cinémathèque de Grenoble, la Cinémathèque de Nice, l’Institut Jean Vigo à Perpignan et nous-mêmes) réunies autour de la Cinemateca Portuguesa (Lisbonne), une proposition de cycle construit par nos collègues portugais.
Une programmation qui nous propose de découvrir les cinéastes portugaises les plus influentes de ces quarante dernières années. Des années 1970 aux années 2000, du documentaire au conte, en passant par le film noir ou le drame social, une découverte du cinéma portugais – un des plus originaux et méconnus du cinéma européen – par le prisme de ses réalisatrices.
Salué par Jean Rouch qui y vit la révélation d’un langage cinématographique nouveau, tourné au lendemain de la « révolution des œillets », Trás-os-Montes est un poème ethnographique infiltré par le mystère. Un film mythe, devenu mythique.
Dans un même rapport magique au réel, Le Mouvement des choses – l’unique film de Manuela Serra dont le tournage s’est étalé sur cinq ans – saisit quelque chose du temps, de la temporalité, d’un mouvement émergeant d’une forme d’atemporalité. Quelque chose d’un mouvement de sablier qui ne tend qu’à se briser.
Dans un tout autre registre, Relação Fiel e Verdadeira, qui a affaire à l’emprise masculine, frappera par son approche antinaturaliste, tragédie en tableaux vivants qui emprunte son esthétique aux compositions médiévales.
Découverte
du cinéma portugais
par le prisme
de ses réalisatrices.
Nuvem, sur un canevas à la West Side Story, en mode guerre de gangs, déshabillera d’un regard féminin une masculinité aveuglée par le trompe-l’œil de la virilité à afficher.
Frágil Como o Mundo est un incroyable opéra visuel flirtant avec l’art contemporain, une forme lyrique de cinéma expérimental, ou une forme expérimentale de cinéma lyrique selon l’endroit d’où on veut le regarder.
Dina e Django, dans sa transposition de Bonnie and Clyde pendant la « révolution des œillets », est une chanson de geste fatale à travers laquelle on pourra se demander si la cavale est passion ou manipulation.
A Costa dos Murmúrios tire un parallèle entre guerre d’indépendance du Mozambique et émancipation d’une femme face à un mari rongé par une violence stérile. Féminisme et décolonisation, tout en retenue, un film qui dénonce la colonisation des femmes par les hommes.
Os Mutantes est sculpté dans le brut des ruelles obscures, avec le tranchant insolent de la jeunesse dont c’est le réel. Un film burin qui attaque au réalisme la chape de béton sous laquelle étouffent des gamins exclus de la vie.
Autre approche réaliste, André Valente, toujours à hauteur d’enfant. L’enfance heurtée par le monde adulte, passée au tamis d’une chronique fragmentée.
Glória, enfin, impressionnera dans la manière dont il exprime l’inquiétude des contes, rappelant que le passage de l’adolescence à l’âge adulte est une épreuve mortifère.
Vous l’aurez compris, rien ne rapproche vraiment toutes ces cinéastes. Ni école, ni mouvement. Rien, si ce n’est des filmographies trop courtes. Rien, si ce n’est leur rapport au réel, leur approche du réalisme. Une question de vision justement. Une question portugaise peut-être, à se demander s’il y aurait un réalisme portugais, comme on parle de réalisme poétique, de réalisme socialiste, de réalisme américain, de néoréalisme, de réalisme magique… Une vision de la question, peut-être.
Franck Lubet
responsable de la programmation de la Cinémathèque de Toulouse
Décidée par le Président de la République française et le Premier ministre portugais, la Saison France-Portugal se tient simultanément dans les deux pays entre le 12 février et le 31 octobre 2022.
Cette Saison croisée, qui s’inscrit dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, est l’occasion de souligner la proximité et l’amitié qui lient nos deux pays, incarnées notamment par la présence en France d’une très importante communauté luso-descendante, et au Portugal d’un nombre croissant d’expatriés français, deux communautés dynamiques, mobiles et actives, qui constituent un lien humain et culturel exceptionnel entre nos deux pays.
Au-delà d’une programmation qui met en avant l’Europe de la Culture, la Saison France-Portugal 2022 souhaite également s’investir concrètement dans les thématiques qui nous rassemblent et que défendent nos deux pays dans l’Europe du XXIe siècle : la transition écologique et solidaire notamment à travers la thématique de l’Océan, l’égalité de genre, l’investissement de la jeunesse, le respect de la différence et les valeurs d’inclusion.
A travers plus de 200 projets soit plus de 480 événements, majoritairement co-construits entre partenaires français et portugais dans 87 villes en France et 55 au Portugal, la Saison a pour ambition de mettre en lumière les multiples collaborations entre artistes, chercheurs, intellectuels, étudiants ou entrepreneurs, entre nos villes et nos régions, entre nos institutions culturelles, nos universités, nos écoles et nos associations : autant d’initiatives qui relient profondément et durablement nos territoires et contribuent à la construction européenne.