Isabel Coixet
Isabel Coixet est la cinéaste catalane la plus célèbre. Internationalement connue. Peut-être parce que c’est en tournant en dehors de l’Espagne qu’elle s’est fait un nom. Plusieurs fois nominée dans les plus grands festivals internationaux. Plusieurs fois primée : Goya de la meilleure cinéaste pour The Bookshop ou encore La Vie secrète des mots, Goya du meilleur scénario original pour La Vie secrète des mots, de la meilleure adaptation pour The Bookshop et Ma vie sans moi… Des films tournés en Amérique du Nord, quand ce n’est pas au Japon, avec des castings internationaux (Sarah Polley, Tim Robbins, Emily Mortimer, Maria de Medeiros, Sergi López, Rinko Kikuchi, Agnès Jaoui…). C’est la première de ses caractéristiques. Un cinéma qui n’est pas à proprement parler espagnol. Un cinéma qui tient davantage à l’universalité tout en s’inscrivant dans la lignée formelle du cinéma indépendant américain.
Née à Barcelone, Isabel Coixet n’a pas fait d’études de cinéma, mais d’histoire, faisant ses premiers pas dans l’audiovisuel en travaillant dans la publicité. Elle est aujourd’hui, si l’on devait encore faire un distinguo homme / femme, la cinéaste espagnole la plus prolifique avec une quinzaine de longs métrages de fiction à son actif et une dizaine de documentaires (dont son dernier, El sostre groc, était présenté lors de la dernière édition du festival Cinespaña), sans parler des séries, notamment Foodie Love qui a fait les délices d’Arte il y a deux ans. Drame, romance, thriller, biopic, film historique, elle est à l’aise dans tous les domaines, travaillant de film en film, quel qu’en soit le genre, une veine intimiste du cinéma.
Un tas de petites histoires,
anecdotes et contes qui proviennent
de ses expériences ou de ce qu’on lui a raconté.
Cinéma de personnages, ce qui frappe avant tout dans ses films, c’est une volonté, un désir et un plaisir, de raconter des histoires. Des histoires de femmes et d’hommes qui nous touchent en tant qu’hommes et femmes. Des histoires à travers lesquelles s’enchâssent différents niveaux de récit. Des histoires qui prêtent attention aux petits gestes quotidiens. « Dans son récit il y a un tas de petites histoires, anecdotes et contes qui proviennent de ses expériences ou de ce qu’on lui a raconté », dira Pedro Almodóvar, qui a produit ses premiers films.
Il y a quelque chose de profondément romanesque dans sa manière de raconter ses histoires – les livres et librairies y sont d’ailleurs également moteur de l’action. Sarah Polley qui raconte des histoires à ses filles pour les coucher dans Ma vie sans moi, et qui enregistre de poignants messages sur cassette pour ses mêmes filles dans un impossible flash-forward de leurs futurs anniversaires sans elle. Les voix off de The Bookshop ou de Carte des sons de Tokyo, qui nous entraînent dans le récit tout en offrant un contrepoint que l’on ne découvrira qu’à la fin. Isabel Coixet, en même temps qu’elle nous raconte une histoire, met en scène l’art de raconter une histoire.
Un cinéma de conte. Pas à la manière d’un « Il était une fois… » ou d’une forme de fantasmagorie. Au contraire, la violence sociale n’est jamais exempte de ses films, Isabel Coixet étant par ailleurs politiquement engagée (notamment dans le mouvement des Indignés). Mais dans ce qu’il tient de l’art de conter. Il y a quelque chose du conte oral dans son cinéma. Et elle est une conteuse hors-pair.
Franck Lubet, responsable de la programmation de la Cinémathèque de Toulouse