Extrême Cinéma 2023
Le cinéma est un vaste continent. Mais il en reste de moins en moins de zones sauvages à explorer. Repousser la frontière, cela a toujours été le crédo d’Extrême Cinéma. Repousser la frontière comme les pionniers rejoignaient la sauvagerie sans se douter qu’ils amenaient dans leur sillage une civilisation qu’eux-mêmes fuyaient. Une civilisation barbare bâtie sur une entreprise d’uniformisation, cherchant à dominer une certaine sauvagerie pour en imposer une plus distinguée, plus sophistiquée, et au final plus anonyme.
Un
voyage
sans assurance
d’arriver quelque part.
Ce qui était sauvage encore hier a été colonisé, rejoignant aujourd’hui le cirque altmanien d’un Buffalo Bill vieillissant. On ressort des réserves les films hier marginalisés pour les exhiber comme des trophées. Le politiquement correct l’a emporté, récupérant l’incorrection pour en faire objet de culture, c’est-à-dire un vase posé sur la table du salon. La cinéphilie est en voie de normalisation. Ses marges ont fini par être absorbées. Ses objets (de) cultes piégés par la standardisation, polis par la massification, perdent l’obscur pouvoir qui en ont fait des fétiches. On n’y peut rien. C’est le progrès. Et on n’arrête pas le progrès.
La civilisation a gagné la cinéphilie comme elle a défloré toutes les terres vierges, plantant ses drapeaux aux quatre points cardinaux. Et l’on peut désormais visiter ses territoires les plus reculés en toute tranquillité. Ils sont tous sur la carte. La cinéphilie aussi est un tourisme. Il peut être de masse : tous aux monuments (re)connus, labellisés. Il peut être plus risqué. Cela dépend du tour-opérateur.
Extrême Cinéma vous propose un voyage sans assurance d’arriver quelque part. Vous ne verrez pas ce que tout le monde veut voir parce qu’il faut l’avoir vu. Vous verrez des films encore sauvages, pas complètement répertoriés, toujours pas assimilés. Vous ne verrez pas de grosses locomotives, comme on dit. Non, le train, c’est pour les suiveurs. Il faut d’abord poser les rails. Et c’est pour cela que vous viendrez. Pour poser les rails sur lesquels la civilisation vous rattrapera. Au moins aurez-vous été en avance un temps.
Bref, il est peut-être plus utile de tuer des moustiques que de faire l’amour, comme disait Mao Mao, le Grand Timonier. Ici on préfère Picabia quand il dit : « il est plus facile de se gratter le cul que le cœur ».
Allez, c’est reparti pour un tour. Vers l’au-delà de tout et l’infini de rien.
Extrême Cinéma
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