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Horror.mx

Du vendredi 15 mars 2024
au dimanche 24 mars 2024


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D’inquiétantes haciendas noyées dans la brume, un cow-boy chantant et des extraterrestres en maillots de bain à paillettes, un vampire qui s’attaque sauvagement à de jeunes adolescents, un joyeux taxidermiste aux prises avec une femme aussi bigote que religieuse, un voyage dans l’au-delà grâce à une séance d’hypnose, des sorcières, des sorciers, des savants fous et des croix, beaucoup de croix. Chorégraphies macabres et lutteurs masqués. Atmosphères mortifères et visages défigurés. Apprentis bouchers et catholicisme prégnant. Miroirs maléfiques et culpabilité. Qu’on se le dise, le cinéma fantastique mexicain ne ressemble à aucun autre.

Réintroduire
une invention formelle
de tous les instants
tout en évoquant
les contradictions
de la société mexicaine.

Mais il aura donc fallu attendre le début des années 2000 pour qu’enfin le cinéma fantastique mexicain soit reconnu à sa juste valeur. Avant cela, épaulé par une poignée d’aficionados, le genre avait à de nombreuses reprises joué des coudes pour tenter de garder la tête hors de l’eau pour enfin trouver sa place aux côtés de l’Italie, de l’Espagne, du Japon, de l’Angleterre ou encore des États-Unis. Mais rien ne semblait pouvoir infléchir la tendance. Trop souvent réduit à la catégorie pittoresque des films de catcheurs masqués, le fantastique mexicain, s’il existait, ne suscitait qu’un vague sourire amusé teinté d’ironie. Fainéantise de l’historien ? Snobisme du cinéphile ? Négligence du chercheur ? Qu’importe ! La démocratisation des supports domestiques (VHS, DVD, Blu-ray,…), les restaurations de films engagées par les cinémathèques, la reconnaissance hollywoodienne de cinéastes tels que Guillermo del Toro ou Alfonso Cuarón, l’explosion d’internet et l’appétit d’inédits d’une nouvelle génération de cinéphiles férus de culture populaire permirent de mettre un pied sur un continent à peine exploré et qui avait tout à offrir. Bien avant les films de catcheurs masqués, bien avant le renouveau de l’horreur gothique de la fin des années 1950, bien avant la nouvelle vague surréaliste des années 1970 emmenée par Alejandro Jodorowsky, il y eut un cinéma fantastique mexicain dès le début des années 1930. Ces films se nommaient La Llorona (1933), El fantasma del convento (1934) ou encore Dos monjes (1934). Mais c’est pourtant dans la comédie paysanne dite « ranchera » que l’industrie locale trouvait ses plus grands succès. Il faudra donc patienter jusqu’au milieu des années 1950 pour voir le genre renaître de ses cendres. Avec El vampiro, le producteur Abel Salazar et le réalisateur Fernando Méndez offraient non seulement un remarquable travail sur la corruption des âmes et de la terre mais lançaient aussi la vague du fantastique mexicain des années 1960 aux multiples ramifications et déclinaisons. De la Llorona aux vampires, des super-héros aux extraterrestres, des savants fous aux fantômes, tout un bestiaire pour autant de films au cœur d’une mouvance où se côtoyaient le meilleur et, il faut bien le reconnaître, le pire. À première vue, ces films-là ne constituaient qu’une autre catégorie formatée de l’industrie. Or, ils allaient réintroduire une invention formelle de tous les instants tout en évoquant de biais les contradictions et les atavismes de la société mexicaine. Il suffit de voir avec quelle maestria Fernando Méndez réinvente le mythe de Faust à l’intérieur d’un sanatorium dans le tétanisant Misterios de ultratumba (1959) ou encore comment Rogelio A. González tire à boulets rouges sur les relations homme-femme dans le baroque et buñuélien El esqueleto de la señora Morales (1960). Rogelio A. González, encore lui, signerait la même année La nave de los monstruos, un ironique faux nanar de science-fiction affichant volontairement à l’écran tous ses artifices alors que Chano Urueta prendrait étonnamment le parti pris d’une sorcière luttant contre le mal dans le rocambolesque El espejo de la bruja (1960). Mais tout cycle prend fin et c’est bizarrement l’une des icônes les plus populaires du Mexique qui précipiterait la fin de cet âge d’or. Le catcheur Santo et ses comparses Blue Demon et Mil Máscaras triomphaient dans d’abracadabrantes aventures cinématographiques. De là à pousser vampires et sorcières dans le fossé, il n’y avait qu’un pas.

Mais après la mort vient la résurrection, et sortir d’une tombe vous change à tout jamais. Au milieu des années 1970 apparaît une nouvelle génération de cinéastes qui compte bien en découdre avec le genre. Les films se nomment Satánico pandemónium (1975, Gilberto Martínez Solares), Alucarda, la hija de las tinieblas (1978) ou encore Veneno para las hadas (1985). C’est l’avènement du sabbat des sorcières mâtiné d’érotisme, de visions aussi violentes qu’oniriques et du conte venimeux filmé à hauteur d’enfant. À cette génération succèdera celle emmenée par Guillermo del Toro qui, tel Fernando Méndez, refondrait le mythe du vampire avec son tout premier long métrage, le formidable Cronos (1993). Les sorcières ne seraient pas en reste avec l’inquiétant Huesera (2022) de la jeune réalisatrice Michelle Garza Cervera, sans parler des cannibales de Somos lo que hay (2010) de Jorge Michel Grau. À chaque génération en succéderait donc une… encore… encore et encore. Mourir pour mieux renaître et pour se rendre compte, si ce n’était déjà fait, que le Mexique est définitivement une terre fantastique.

Frédéric Thibaut,
programmateur à la Cinémathèque de Toulouse

Une programmation réalisée en coproduction avec Cinélatino