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István Szabó

Du mercredi 29 mai 2024
au mercredi 12 juin 2024


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Michael Curtiz, André De Toth, Alexander Korda, Miklós Jancsó, Judit Elek, Márta Mészáros, Béla Tarr… Le cinéma hongrois a donné au monde toute une série de grands cinéastes internationalement reconnus. Parmi eux, István Szabó, qui n’est pas des moindres. Léopard d’argent au Festival de Locarno pour L’Âge des illusions. Grand prix au Festival de Moscou pour Père. Léopard d’or au Festival de Locarno pour 25, rue des Sapeurs. Ours d’argent de la meilleure réalisation au Festival de Berlin pour Confiance. Oscar du meilleur film étranger avec Mephisto. Prix du jury au Festival de Cannes pour Colonel Redl… N’en jetez plus. Toujours en activité à plus de 80 ans, maître d’une carrière hors pair, il incarne également aujourd’hui la mémoire vivante de la Nouvelle Vague hongroise qui a déferlé sur le cinéma européen à la fin des années 1960.

Né en 1938, rattrapé par la guerre (enfant, il doit se cacher des fascistes du parti des Croix fléchées), il entrera à la prestigieuse Académie d’art dramatique et de cinéma de Budapest, au début des années 1960, dans la Hongrie communiste d’après l’Insurrection de 1956 matée par l’Armée rouge. Il est alors âgé de 25 ans quand il réalise son premier long métrage : L’Âge des illusions.
La décennie qui suit sera celle d’une production d’une incontournable modernité. István Szabó développe une forme de récit cinématographique fait d’ellipses, en fragments. Comme des fresques éclatées et éclairées de flashes mémoriels. La question de la mémoire est au cœur de son cinéma. Et durant cette période elle sera la matière même de ses films. Celle de l’intime (la sienne propre, dans laquelle il puise, comme Fellini recrée ses souvenirs d’enfance) et celle de l’Histoire, contemporaine, qui n’est pas encore du passé (le passage du fascisme à la dictature communiste). Une mémoire à constituer. Collective, à partir du personnel. Une matière qui modèle ses films, qui en structure les récits ; en est la structure même. István Szabó écrit alors ses films comme fonctionne la mémoire. De longs travellings précis et des plans fixement courts. Il imprime un circuit de mémoire.

Et puis viendront les années 1980, celles de la consécration. D’un tournant aussi. Ce sont les années des productions internationales. Les années par-delà la Hongrie. Les années Klaus Maria Brandauer (Mephisto, Colonel Redl, Hanussen). Moins expérimental dans sa manière de mener le récit que dans les années 1970, István Szabó n’en continue pas moins à travailler la mémoire. À la réveiller. À l’interroger, en remontant un peu plus loin dans le passé. Avec la trilogie Brandauer, fresques aux accents viscontiens, il saisit les tournants de l’Histoire. Celle du XXe siècle. Des portes de la Première Guerre mondiale, dans la décadence de l’Empire austro-hongrois (Colonel Redl), à celles de la Seconde, avec la montée et l’installation du nazisme (Hanussen et Mephisto). Szabó prend l’Histoire au tournant. Et à un moment, le nôtre, où la mémoire collective semble rencontrer quelques court-circuits, ses films de cette période résonnent comme une prédiction de l’hypnotiseur et voyant Erik Jan Hanussen à la fin de la République de Weimar. Aveuglants de clairvoyance.

Chez István Szabó, l’individu se collète avec l’Histoire. Il est rattrapé par l’Histoire. Et il doit composer avec elle. Commence alors le temps des compromis, avec soi – le temps des illusions – jusqu’aux compromissions, avec le pouvoir – le temps des désillusions.

On l’aura compris, le cinéma d’István Szabó est d’une redoutable actualité dans les questionnements qu’il soulève et d’une intemporelle modernité dans les formes narratives qu’il emprunte. Un monument du cinéma hongrois et international à redécouvrir dans des copies restaurées par nos collègues du National Film Institute Hungary – Film Archive de Budapest.

Franck Lubet,
responsable de la programmation de la Cinémathèque de Toulouse

Les films L’Âge des illusions, Colonel Redl, Confiance, Hanussen, Mephisto, Père et Un film d’amour seront présentés dans des versions restaurées par le National Film Institute Hungary – Film Archive.