« Qui êtes vous Samuel Fuller ? » par Frank Lafond
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On ne découvre pas un film de Samuel Fuller : on est submergé par lui. Bien loin de nécessiter un véritable travail de déchiffrage, les principaux thèmes de l’œuvre du cinéaste s’imposent en effet souvent au spectateur avec la force de l’évidence. Par habitude, la critique affirme que l’une des clefs principales du cinéma de Fuller, en dehors de son expérience de la guerre, se trouve dans le métier de journaliste qu’il exerça avant de devenir réalisateur, notamment en qualité de reporter criminel pour le New York Evening Graphic. De là proviendrait son goût des sujets considérés comme sensationnalistes. Pourtant, l’influence de la tradition journalistique fondamentalement paradoxale à laquelle se rattache le tabloïd new-yorkais est davantage à rechercher dans certains partis pris formels : une fois passé derrière la caméra, Fuller a su en conserver l’esprit sinon toujours la lettre, au sein d’un cinéma de genre direct et non moins paradoxal. L’essence de son cinéma, mais aussi des pulp fictions fondatrices qu’il a écrites dans la seconde moitié des années 1930, se trouve précisément là, sous la forme d’un sensationnalisme constructif.
Chargé de cours à l’université de Strasbourg, Frank Lafond vient de publier Samuel Fuller, jusqu’à l’épuisement. Dans cet ouvrage édité par Rouge profond, l’analyse formelle se mêle à une approche historique et génétique. Cette vision du cinéma si original de Fuller s’appuie sur des documents inédits et une réévaluation de l’influence du journalisme sur son œuvre. Enfin, J’ai vécu l’enfer de Corée et Dressé pour tuer font l’objet de récits où viennent s’entrechoquer des questions esthétiques, sociales et politiques.
Frank Lafond est également l’auteur de Jacques Tourneur, les figures de la peur (2007), de Joe Dante, l’art du je(u) (2011) et du Dictionnaire du cinéma fantastique et de science-fiction (2014). Il a écrit de nombreux articles sur le cinéma et dirigé plusieurs ouvrages collectifs – notamment sur The ‘Burbs, George A. Romero, Georges Franju, ainsi que sur le cinéma fantastique et horrifique italien. Il dirige la collection « Contrechamp » aux éditions Vendémiaire.
Entrée libre dans la limite des places disponibles