Docteur Folamour (Dr. Strangelove or: How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb)
Stanley Kubrick. 1963. UK / USA. 93 min. N&b. DCP. VOSTF.
Galaxie Kubrick – Pathé Wilson
Quand le commandant d’une base du Strategic Air Command, persuadé que les communistes empoisonnent l’eau pour annihiler le fluide vital de l’Amérique, lance ses B-52 stratégiques sur l’URSS et boucle la base… La comédie cauchemardesque qui nous aura fait aimer la bombe. Trois rôles pour le génial Peter Sellers, et Stanley Kubrick qui ridiculise d’admirable façon l’état-major américain. Un constat hilarant, drôle et sans pitié, clôturé par une mémorable scène de rodéo. Un film réalisé en pleine guerre froide alors que les cendres de la crise des missiles de Cuba sont encore chaudes et tiré d’un roman on ne peut plus sérieux de Peter George, 120 minutes pour sauver le monde (1958). Pourtant, dès les premières minutes, le ton est donné. Sur fond de musique sirupeuse, des bombardiers porteurs de mort s’adonnent à un étrange ballet érotique sur fond de ciel cotonneux. Docteur Folamour ou comment détourner la menace atomique par l’absurde et comment se payer la tête d’une bande d’incapables qui président à la destinée du monde. Le sérieux, Kubrick l’enverra bouler dans le fossé au profit d’un humour particulièrement féroce qui ira jusqu’à s’immiscer dans les moindres recoins de son impeccable réquisitoire contre la course à l’armement. Des noms de certains personnages jusqu’aux allusions sexuelles qui parsèment le métrage, Docteur Folamour est une impressionnante somme de détails qui révèle l’incroyable minutie de son metteur en scène. Perfectionnisme maniaque, diront certains… oui… peut-être… un peu… beaucoup… passionnément, mais uniquement pour le meilleur. Le général Jack D. Ripper (référence directe à Jack l’Éventreur), le colonel « Bat » Guano (littéralement : fiente de chauve-souris) et le commandant T. J. « King » Kong (clin d’œil à qui vous savez) ne sont pas a priori des patronymes qui inspirent la sérénité. Même chose pour l’ambassadeur soviétique De Sadesky et son goût pour infliger des « punitions ». Kubrick n’épargne rien, ni personne. D’un côté, comme de l’autre. Dans Folamour tout concourt à la désopilante représentation d’un pouvoir vicié et corrompu, bestial et stupide, qui ne s’épanouit que dans l’écrasement de l’autre. Représentation qui culmine lors de l’ahurissante intervention de Folamour militant, en cas d’holocauste nucléaire, pour la conservation des privilèges et l’abolition de la monogamie afin de repeupler la Terre. À se demander si ce Kubrick-là ne pointe pas directement du doigt nos sociétés contemporaines.