Le Vent de la nuit
Philippe Garrel. 1998. Fr. 95 min. Coul. DCP.
Le Vent de la nuit est le vingt-quatrième film de Philippe Garrel, l’éternel écorché du cinéma français, et c’est indéniablement l’une de ses plus belles réussites. L’un de ses plus gros succès commerciaux aussi. Il faut dire que la grande Catherine Deneuve s’invite pour la première fois dans l’univers si particulier du metteur en scène. Une drôle de rencontre, une rencontre de quartier pour tout dire, puisque à l’époque Philippe et Catherine habitent le même. Ils s’y croisent souvent, se reconnaissent bien évidemment et se saluent poliment, mais ont bien du mal à se parler, timidité oblige. C’est pourtant ce qui arriva et c’est tant mieux. Car le personnage d’Hélène, incarné par Catherine Deneuve, irrigue littéralement ce road-movie pas tout à fait comme les autres. Paul (Xavier Beauvois), jeune sculpteur et étudiant en arts plastiques, est l’amant d’Hélène (Catherine Deneuve), une femme d’une cinquantaine d’années, à la vie bien rangée. Il part seul pour l’Italie où il va exposer. Il rencontre Serge (Daniel Duval), un homme secret, bien décidé à mettre fin à ses jours. Les deux hommes partent ensemble sur les routes à bord de la Porsche rouge de Serge. Une histoire d’amour, de voyage et de mort, et Garrel qui entrechoque trois êtres, deux générations et une voiture. Si l’équation est simple – une femme délaissée et deux hommes, dont l’un veut mourir et l’autre ne sait pas comment vivre –, le résultat lui est d’une rare densité. On le sait, Garrel est un spécialiste du cinéma intimiste, mais peut-être n’a-t-il jamais filmé avec autant d’acuité et de sérénité la fin du désir, la peur de vivre, l’angoisse de la vieillesse et le suicide. Ce petit arrangement avec la Mort qui rapproche toujours un peu plus du bord de l’abîme. Mais au lieu de s’y jeter, Garrel préfère enregistrer l’éclat du désespoir et la beauté de la mélancolie. Un film d’une sèche poésie auquel on s’abandonne corps et âme.
Séance présentée par Caroline Champetier