Le Promeneur du Champ de Mars
Robert Guédiguian. 2004. Fr. 117 min. Coul. 35 mm.
Le vieil homme et la mort. Au début de l’année 2005, Robert Guédiguian surprenait son monde en adaptant Le Dernier Mitterrand, le récit témoignage de Georges-Marc Benamou, l’un des derniers intimes de François Mitterrand. Le tournage se déroulera à huis clos dans le plus grand secret, juste histoire d’éviter un tapage médiatique nourri de fantasmes et de chimères. Il est vrai que lors de sa parution en 1997, le livre suscita de violentes réactions de la part du clan Mitterrand. Si Benamou avait déclenché des polémiques, Guédiguian allait les éviter intelligemment et soigneusement tout en brisant le tabou de la représentation du chef de l’état à l’écran. Le Promeneur du Champ de Mars évacue les figures connues de l’entourage du président, la rivalité Chirac-Balladur ou encore le scandale des écoutes téléphoniques. Car là n’est pas le propos. L’auteur de Marius et Jeannette évite adroitement les pièges récurrents de la biographie filmée pour se concentrer sur une confrontation maître-élève. Autrement dit sur le dialogue entre deux hommes de différentes générations. D’un côté, un homme d’état en bout de course et de l’autre, un jeune journaliste passionné. Alors que le président livre les derniers combats face à la maladie, le reporter tente de lui arracher des leçons universelles sur la politique et l’histoire, sur l’amour et la littérature. Fin de règne et fin de vie, et Robert Guédiguian, loin de se laisser intimider par son sujet, aux prises avec le corps et le mythe. C’est parfois très drôle, souvent bouleversant et aussi captivant qu’un film d’action. L’homme derrière le président, dont le nom ne sera d’ailleurs jamais prononcé, et derrière le président, l’acteur. Dans le rôle du monarque, Michel Bouquet donne une impressionnante, gigantesque et hypnotisante leçon d’acteur, récompensée d’ailleurs par un César amplement mérité. Une fois n’est pas coutume, un portrait hommage auréolé d’un état de grâce permanent.
Séance présentée par Régis Debray et Robert Guédiguian