Salvatore Giuliano
Francesco Rosi. 1962. It. 123 min. N&b. DCP. Sous-titrage infrmatique en français.
Le 5 juillet 1950, le bandit sicilien Salvatore Giuliano, traqué par l’armée et la police, est retrouvé face contre terre, mort dans une cour de Castelvetrano. Il avait vingt-sept ans et était devenu un héros criminel célébré dans toute l’Italie. Qui l’a tué ? Qui était-il ? Cinq ans plus tôt, Giuliano assassinait un carabinier et prenait le maquis. Paysan, bandit et membre du gouvernement séparatiste sicilien, il narguait, depuis, les forces de l’ordre, avec le soutien de la mafia… « Salvatore Giuliano n’est en rien un film biographique, mais un discours sur le cadavre de Jules César. On ne voit guère le héros que mort, dans un récit où j’ai eu soin de rompre sans cesse la chronologie. Sans prendre la précaution d’un fondu enchaîné, je passe de 1950 à 1954 ou 1944 ou 1948, parce que j’évoque des événements jadis retentissants, et dont le public italien a gardé la mémoire. Mon vrai sujet, c’est un pays malheureux, opprimé, égaré et révolté. Je n’entends ni exalter, ni accabler Giuliano. Je veux montrer qu’il fut le fruit de sa terre, des conditions sociales et politiques des années 1940. » Voilà comment Francesco Rosi définissait son film en 1962. Il faudrait d’ailleurs peut-être en rester là pour savourer ce remarquable film enquête qui mêle adroitement traditions, vie politique, quotidien et action de la mafia. Aucun acteur connu à l’époque, aucune coquetterie de mise en scène et refus du didactisme. Rien ne doit venir distraire le spectateur. Un film documenté qui n’a rien d’un documentaire. Il s’agit ici d’interpréter au plus juste la réalité pour essayer d’atteindre un certain type de vérité. Rosi démonte un échafaud complexe et donne à voir le portrait vertigineux d’une société rongée par la violence et la corruption. Une société qui se cherche désespérément des héros. Vingt-six ans après l’Italien, l’Américain Michael Cimino traitera à son tour le cas Giuliano dans un style baroque et lyrique, ne retenant rien de la leçon de cinéma de Francesco Rosi.
Séance présentée par Régis Debray