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Bruno Coulais

En 1978, jeune symphoniste, Bruno Coulais découvre dans la musique de film un moyen d’expression supplémentaire, une façon d’amener l’exigence de son écriture vers le plus grand nombre. L’aiguillage s’effectue avec François Reichenbach puis avec des auteurs comme Jacques Davila, Christine Pascal, Nico Papatakis ou Agnès Merlet. « Au cinéma, explique-t-il, le compositeur doit aller à la rencontre des metteurs en scène, entrer dans leur monde, mais sans renoncer au sien propre. C’est cela la difficulté ou le paradoxe de la musique pour l’image. Collaborer avec des cinéastes aux univers très variés m’a aidé à progresser, à explorer des territoires qui n’étaient pas naturellement les miens. »

Le grand public découvre la puissance de feu de son écriture avec les grandes séries télévisées de Josée Dayan (La Rivière Espérance, Le Comte de Monte-Cristo) et le documentaire Microcosmos du binôme Claude Nuridsany-Marie Pérennou, voyage initiatique à l’échelle du centimètre. À cette plongée dans le monde de l’infiniment petit, Coulais injecte un étrange lyrisme, entre émerveillement et fantastique. Plus largement, Microcosmos lui vaut une avalanche de sollicitations, d’Olivier Dahan à Gabriel Aghion, de Mathieu Kassovitz à Akhenaton, lui permettant à l’occasion de nouer un rapport de fidélité avec des cinéastes comme James Huth, Jean-Paul Salomé ou Frédéric Schoendoerffer. Qu’il s’agisse d’œuvres de recherche ou de blockbusters à la française (Vidocq, Les Rivières pourpres), Coulais envisage son art comme une fenêtre ouverte sur le monde, révélant un don d’alchimiste moderne, une manière personnelle de métisser les cultures, de créer une véritable fusion entre, par exemple, chœurs tibétains, percussions égyptiennes et polyphonies corses avec A Filetta, son groupe vocal fétiche depuis le Don Juan de Jacques Weber. Sans parler d’une griffe unique pour échafauder des climats oniriques d’une inquiétante douceur, à base de berceuses distordues au charme hypnotique, voix d’enfants et boîtes à musique.

Curieusement, ses grands succès populaires ne le restreignent pas à un périmètre déterminé. 2004, par exemple, sera une année schizophrène, écartelée entre le tsunami des Choristes de Christophe Barratier et Genesis, brillant documentaire sur le sens même de la vie, à la partition exigeante, d’une modernité frontale. De la même manière, Bruno Coulais s’impose en trait d’union entre le cinéma d’animation d’auteur (avec Henry Selick ou Tomm Moore) et Benoît Jacquot, cinéaste pourtant d’une grande défiance à l’égard de la musique à l’image, a fortiori originale. Depuis 2008, Coulais a mis en musique tous les longs métrages de Jacquot, des Adieux à la reine à Trois cœurs en passant par Au fond des bois, pour lequel il écrit un Concerto pour violon au lyrisme tendu et douloureux, enregistré en amont du tournage. Aujourd’hui, après 35 ans de composition pour l’image, Bruno Coulais a acquis un statut unique de compositeur passeur, agent triple, dynamiteur de frontières. La preuve : à l’intérieur de sa filmographie, le Marsupilami tend la main à Volker Schlöndorff, André Gide tutoie Lucky Luke, Diderot sourit à Isaac Hayes. Écouter ses œuvres au cinéma, en disque ou en concert, c’est une invitation à voyager dans l’univers d’un créateur déterminé à rêver en avant, un créateur dont le calme extérieur contraste étonnamment avec l’intensité du monde intérieur.

Stéphane Lerouge

Les films choisis et présentés par Bruno Coulais

La Nuit du chasseur (The Night of the Hunter, 1955) – Charles Laughton
Ran (1985) – Akira Kurosawa
Coraline (2009) – Henry Selick
Au fond des bois (2010) – Benoît Jacquot

Rencontre avec Bruno Coulais animée par Thierry Jousse